MO.CO.
La Panacée
14,
rue de l’École de Pharmacie, Montpellier
Exposition
« Permafrost. Les formes du désastre »
Avec
Deniz Aktaş, Ozan Atalan, Nina
Beier, Dora Budor, Rochelle Goldberg, Eloise Hawser, Max Hooper Schneider,
Nicolás Lamas, Pakui Hardware, Michael E. Smith, Laure Vigna.
Du
1er février au 3 mai 2020
Hybridations
Permafrost tire son nom des étendues glacées depuis des siècles au Grand
Nord et qui se trouvent en train de fondre en raison des dérèglements
climatiques actuels. Ainsi, la préoccupation écologique sous-tend en permanence
les œuvres des onze artistes exposés. La référence à la 16ème Biennale
d’Istanbul, Le Septième Continent, dont le commissaire était Nicolas
Bourriaud, offre pourtant un éclairage autre à Montpellier. C’est Vincent
Honoré qui se trouve ici à la manœuvre curatoriale avec des installations,
sculptures, vidéos et dessins.
La notion de déchet sert à de multiples
approches. Les vidéos d’Eloise Hawser travaillent avec les images de grues qui
déplacent les ordures d’un centre de recyclage d’Istanbul. Rien ne se perd, mais
que se crée-t-il véritablement ? Grâce à ses dessins de traces, dont un grand
format d’amoncellement de pneus, Deniz Aktas nous montre la disparition des
humains. Le squelette reconstitué d’un buffle d’eau, d’Ozan Atalan, nous
questionne sur la disparition des animaux afin de construire un nouvel
aéroport. Nous nous trouvons devant une sorte de sculpture mémorielle qui porte
la mauvaise conscience d’un progrès dévastateur. Nicolas Lamas propose des
machines éventrées aux fils tordus symbolisant les entrailles d’une certaine
modernité. Des bustes classiques en plâtre agonisent avec elles dans un rapport
métaphorique Homme-Machine assez réjouissant. Toujours glanant et s’inscrivant
dans une culture de la cueillette artistique, les œuvres minimales de Michal E.
Smith interrogent notre sagacité. Laure Vigna construit ses propres déchets avec
des matériaux organiques colorés suspendus à des structures métalliques. Ils se
décomposent lentement et changent de forme au cours de leur évolution. À côté d’eux,
se trouvent des œuvres de la série « Extrakorporal » de Pakui Hardware
(pseudonyme de deux créateurs). Composées de matériaux organiques et
artificiels, suspendues au plafond, elles offrent un regard sur des mélanges
improbables, se référant aussi aux organes humains, paradoxalement d’une grande
esthétique.
D’autres artistes ont une approche quelque
peu différente, comme Nina Beir et ses lavabos de luxe posés au sol ou
accrochés au mur, bouchés par de gros cigares roulés à la main. Fortement sexuées
et délicieusement scatologiques, ses compositions offrent d’impossibles
« débouchés » à notre époque de gaspillage intense. Trois dioramas de
Dora Budor proposent une approche subtile et sensible en se référant à trois
peintures de tempêtes du grand peintre du 19ème siècle, Turner. Il
s’agit de trois chambres environnementales qui interprètent les variations
sonores sur des chantiers au travers des changements d’éruption de pigments qui
teintent l’air. Le temps qui passe change l’apparence des objets, tant vivants
que morts. Sur ce principe de variations, Rochelle Goldberg propose une
véritable hybridation entre des bronzes en passe de devenir historiques et de
véritables fruits et légumes. Enfin une vidéo de Maw Hooper Schneider intitulée
« To become a melon head » montre les actants d’un couple qui vient
d’avoir un accident d’auto et qui narrent leur divorce sur fond de
problématiques philosophiques, entrecoupées de rock strident. Un petit bijou d’intelligence
qui comprend aussi une installation de courges spaghettis à la place des melons
d’eau originaux (pour cause de changement de saison en France).
Toutes ces œuvres participent à notre présent
et envisagent notre potentiel futur. Elles brassent de nombreuses références pour
créer une sorte proposition intellectuelle et visuelle, non dénuée d’ironie. La
fin du monde ou la fin d’un monde ? Certainement pas la fin de l’art !
Christian Skimao
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