mardi 4 février 2020

Exposition « Permafrost. Les formes du désastre », M.O.CO. La Panacée, 2020


MO.CO. La Panacée
14, rue de l’École de Pharmacie, Montpellier
Exposition « Permafrost. Les formes du désastre »
Avec Deniz Aktaş, Ozan Atalan, Nina Beier, Dora Budor, Rochelle Goldberg, Eloise Hawser, Max Hooper Schneider, Nicolás Lamas, Pakui Hardware, Michael E. Smith, Laure Vigna.
Du 1er février au 3 mai 2020


Nicolas Lamas "Planned Obsolescence", 2019 Photo Philippe de Gobert




                                         Hybridations



  Permafrost tire son nom des étendues glacées depuis des siècles au Grand Nord et qui se trouvent en train de fondre en raison des dérèglements climatiques actuels. Ainsi, la préoccupation écologique sous-tend en permanence les œuvres des onze artistes exposés. La référence à la 16ème Biennale d’Istanbul, Le Septième Continent, dont le commissaire était Nicolas Bourriaud, offre pourtant un éclairage autre à Montpellier. C’est Vincent Honoré qui se trouve ici à la manœuvre curatoriale avec des installations, sculptures, vidéos et dessins.
  La notion de déchet sert à de multiples approches. Les vidéos d’Eloise Hawser travaillent avec les images de grues qui déplacent les ordures d’un centre de recyclage d’Istanbul. Rien ne se perd, mais que se crée-t-il véritablement ? Grâce à ses dessins de traces, dont un grand format d’amoncellement de pneus, Deniz Aktas nous montre la disparition des humains. Le squelette reconstitué d’un buffle d’eau, d’Ozan Atalan, nous questionne sur la disparition des animaux afin de construire un nouvel aéroport. Nous nous trouvons devant une sorte de sculpture mémorielle qui porte la mauvaise conscience d’un progrès dévastateur. Nicolas Lamas propose des machines éventrées aux fils tordus symbolisant les entrailles d’une certaine modernité. Des bustes classiques en plâtre agonisent avec elles dans un rapport métaphorique Homme-Machine assez réjouissant. Toujours glanant et s’inscrivant dans une culture de la cueillette artistique, les œuvres minimales de Michal E. Smith interrogent notre sagacité. Laure Vigna construit ses propres déchets avec des matériaux organiques colorés suspendus à des structures métalliques. Ils se décomposent lentement et changent de forme au cours de leur évolution. À côté d’eux, se trouvent des œuvres de la série « Extrakorporal » de Pakui Hardware (pseudonyme de deux créateurs). Composées de matériaux organiques et artificiels, suspendues au plafond, elles offrent un regard sur des mélanges improbables, se référant aussi aux organes humains, paradoxalement d’une grande esthétique.
  D’autres artistes ont une approche quelque peu différente, comme Nina Beir et ses lavabos de luxe posés au sol ou accrochés au mur, bouchés par de gros cigares roulés à la main. Fortement sexuées et délicieusement scatologiques, ses compositions offrent d’impossibles « débouchés » à notre époque de gaspillage intense. Trois dioramas de Dora Budor proposent une approche subtile et sensible en se référant à trois peintures de tempêtes du grand peintre du 19ème siècle, Turner. Il s’agit de trois chambres environnementales qui interprètent les variations sonores sur des chantiers au travers des changements d’éruption de pigments qui teintent l’air. Le temps qui passe change l’apparence des objets, tant vivants que morts. Sur ce principe de variations, Rochelle Goldberg propose une véritable hybridation entre des bronzes en passe de devenir historiques et de véritables fruits et légumes. Enfin une vidéo de Maw Hooper Schneider intitulée « To become a melon head » montre les actants d’un couple qui vient d’avoir un accident d’auto et qui narrent leur divorce sur fond de problématiques philosophiques, entrecoupées de rock strident. Un petit bijou d’intelligence qui comprend aussi une installation de courges spaghettis à la place des melons d’eau originaux (pour cause de changement de saison en France).
  Toutes ces œuvres participent à notre présent et envisagent notre potentiel futur. Elles brassent de nombreuses références pour créer une sorte proposition intellectuelle et visuelle, non dénuée d’ironie. La fin du monde ou la fin d’un monde ? Certainement pas la fin de l’art !
                                                                                                                           Christian Skimao


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