mardi 10 mars 2020

Exposition « Mecarõ. L’Amazonie dans la collection Petitgas.» (MOCO Montpellier 2020)


Mo.Co. Hôtel des collections
13, rue de la République à Montpellier
Exposition « Mecar
õ. L’Amazonie dans la collection Petitgas.»
Du 6 mars au 31 mai 2020

 
Catalogue de l'exposition "Mecarõ" 2020


                      Une forêt d’artistes


  Il est des expositions qui suscitent de réminiscences musicales. Ainsi « Mecarõ » (« L’esprit de la forêt » en langue du peuple indigène Krahô) convoque inconsciemment et personnellement la chanson Amazoniaque d’Yves Simon, de 1983, reprise par Christine and the Queens en 2012. Chocs des époques et des civilisations avec une présentation de plus de 100 œuvres réalisées par une cinquantaine d’artistes d’Amérique latine dans leur très grande majorité, des années 1960 à nos jours. Cette approche brasse des approches très différentes couvrant des expériences picturales, sculpturales, des installations et de l’inclassable. Œuvres à la fois familières et déroutantes, brutales et subtiles, joyeuses et tragiques.

  L’exposition fonctionne comme un parcours dans cet immense bassin amazonien, couvrant plusieurs pays, à la fois réel et réinventé par la force des interprétations. Nous commençons avec une œuvre immersive d’Oswaldo Macia intitulée The Opera of Cross-Pollination : for Catherine Petitgas » (2019) qui mélange bruits d’insectes et odeur d’orchidées sauvages, pour terminer le parcours, au sous-sol avec Bienvenidos a Nuevo Estilo » de Sol Calero, reproduction grandeur nature d’un salon de coiffure aux éléments kitsch qui replace les femmes dans un espace où elles se retrouvent à l’abri. Entre les deux, les mouvements convolent avec de grandes singularités dans la valse des temporalités.

  L’abstraction géométrique d’Ivan Serpa, artiste historique du Constructivisme des années 1950 change de style vers la fin des années 1960. Il use des anciennes références, mais avec de nouvelles teintes et introduit des effets de fluidité qui cassent élégamment la rigidité de sa composition première (série Amazônica). D’autres artistes utilisent le dessin avec une approche narrative et politique comme Nohemi Perez qui avec Panorama Catatumbo propose de montrer ce qui ne se voit pas au premier abord, la violence contenue dans l’ombre. Son travail très esthétique est contrebalancé par un récit sur les dégâts occasionnés au territoire et aux exactions des forces armées. Une très belle citation d’elle résume très justement son propos : « En vous en rapprochant, en la pénétrant, vous vous retrouverez confrontés à la réalité. » À l’inverse, Beatriz Milhazes travaille sur des toiles colorées et pétulantes, aux motifs presque pop, mais dont l’apparente insouciance cache une approche spirituelle.

  Enfin, une approche du corps fragmenté interpelle. Le collectif OPAVIVARÁ! propose des morceaux humains à déguster, mais sous forme de glaces. Ludique et philosophique, cette démarche propose une exploration de l’Autre sous une forme tangible, en se référant au Manifeste Anthropophage de 1928, rédigé par Oswald de Andrade. Manuela Ribadeneira propose une installation nommée Los Culpables (2018) de quinze doigts de bronze qui désignent des coupables. Très déstabilisante, cette composition montre, littéralement, du doigt, certains responsables, mais sans donner leurs noms ; en fin de compte, elle nous concerne aussi de façon directe ou indirecte.

  Avec le changement de générations, apparaissent de nombreuses artistes femmes qui prennent en compte avec acuité le désastre écologique en cours. Cette petite musique lancinante d’une perte irréversible finit par nous atteindre toutes et tous. Cette monstration revêt également un caractère d’urgence face à une tentative de raz-de-marée de certaines oligarchies, qui n’aiment guère la couleur verte, celle de l’espérance.


Beatriz Milhazes – "Férias de Verão", 2005. Acrylique sur toile  149 x 395 cm. Photo  Clément Rougelot. 


                                                                                                                                  Christian Skimao
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