Mo.Co. Hôtel des collections
13, rue de la République à Montpellier
Exposition « Mecarõ. L’Amazonie dans la collection Petitgas.»
Exposition « Mecarõ. L’Amazonie dans la collection Petitgas.»
Du 6 mars au 31 mai 2020
Une
forêt d’artistes
Il est des expositions qui suscitent de réminiscences
musicales. Ainsi « Mecarõ » (« L’esprit de la forêt » en langue
du peuple indigène Krahô) convoque inconsciemment et personnellement la chanson
Amazoniaque d’Yves Simon, de 1983, reprise par Christine and the Queens en
2012. Chocs des époques et des civilisations avec une présentation de plus de
100 œuvres réalisées par une cinquantaine d’artistes d’Amérique latine dans
leur très grande majorité, des années 1960 à nos jours. Cette approche brasse
des approches très différentes couvrant des expériences picturales,
sculpturales, des installations et de l’inclassable. Œuvres à la fois familières
et déroutantes, brutales et subtiles, joyeuses et tragiques.
L’exposition fonctionne comme un parcours
dans cet immense bassin amazonien, couvrant plusieurs pays, à la fois réel et
réinventé par la force des interprétations. Nous commençons avec une œuvre
immersive d’Oswaldo Macia intitulée The Opera of Cross-Pollination :
for Catherine Petitgas » (2019) qui mélange bruits d’insectes et odeur
d’orchidées sauvages, pour terminer le parcours, au sous-sol avec Bienvenidos
a Nuevo Estilo » de Sol Calero, reproduction grandeur nature d’un
salon de coiffure aux éléments kitsch qui replace les femmes dans un espace où
elles se retrouvent à l’abri. Entre les deux, les mouvements convolent avec de
grandes singularités dans la valse des temporalités.
L’abstraction géométrique d’Ivan Serpa,
artiste historique du Constructivisme des années 1950 change de style vers la
fin des années 1960. Il use des anciennes références, mais avec de nouvelles
teintes et introduit des effets de fluidité qui cassent élégamment la rigidité
de sa composition première (série Amazônica). D’autres artistes
utilisent le dessin avec une approche narrative et politique comme Nohemi Perez
qui avec Panorama Catatumbo propose de montrer ce qui ne se voit pas au
premier abord, la violence contenue dans l’ombre. Son travail très esthétique
est contrebalancé par un récit sur les dégâts occasionnés au territoire et aux
exactions des forces armées. Une très belle citation d’elle résume très
justement son propos : « En vous en rapprochant, en la pénétrant, vous
vous retrouverez confrontés à la réalité. » À l’inverse, Beatriz Milhazes
travaille sur des toiles colorées et pétulantes, aux motifs presque pop, mais dont
l’apparente insouciance cache une approche spirituelle.
Enfin, une approche du corps fragmenté
interpelle. Le collectif OPAVIVARÁ! propose des morceaux humains à déguster,
mais sous forme de glaces. Ludique et philosophique, cette démarche propose une
exploration de l’Autre sous une forme tangible, en se référant au Manifeste
Anthropophage de 1928, rédigé par Oswald de Andrade. Manuela Ribadeneira propose
une installation nommée Los Culpables (2018) de quinze doigts de bronze
qui désignent des coupables. Très déstabilisante, cette composition montre,
littéralement, du doigt, certains responsables, mais sans donner leurs noms ;
en fin de compte, elle nous concerne aussi de façon directe ou indirecte.
Avec le changement de générations,
apparaissent de nombreuses artistes femmes qui prennent en compte avec acuité
le désastre écologique en cours. Cette petite musique lancinante d’une perte
irréversible finit par nous atteindre toutes et tous. Cette monstration revêt également
un caractère d’urgence face à une tentative de raz-de-marée de certaines
oligarchies, qui n’aiment guère la couleur verte, celle de l’espérance.
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Beatriz Milhazes – "Férias de Verão", 2005. Acrylique sur toile 149 x 395 cm. Photo Clément Rougelot. |
Christian Skimao
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