mercredi 28 octobre 2020

Collection Cranford : les années 2000 », Mo.Co. Hôtel des collections, Montpellier,2020.

 

Mo.Co. Hôtel des collections

13, rue de la République à Montpellier
Exposition « 00s. Collection Cranford : les années 2000 »

Kai Althoff, Francis Alÿs, John Baldessari, Louise Bourgeois, Louise Bourgeois & Tracey Emin, Glenn Brown, Monster Chetwynd, Phil Collins, Abraham Cruzvillegas, Edith Dekyndt, Isa Genzken, Wade Guyton, Guyton\Walker, Rachel Harrison, Mona Hatoum, Thomas Hirschhorn & Marcus Steinweg, Damien Hirst, Sergej Jensen, Mike Kelley, Karen Kilimnik, Michael Krebber, Glenn Ligon, Sarah Lucas, Albert Oehlen, Olafur Eliasson, Gabriel Orozco, Damian Ortega, Raymond Pettibon, Ken Price, Sigmar Polke, Walid Raad / The Atlas Group, Gerhard Richter, Ugo Rondinone, Edward Ruscha, Thomas Schütte, Cindy Sherman, Josh Smith, Wolfgang Tillmans, Rirkrit Tiravanija, Rosemarie Trockel, Kelley Walker, Jeff Wall, Rebecca Warren, Franz West, Christopher Wool

Du 24 octobre 2020 au 31 janvier 2021

 

 


    Récentes nostalgies

 

  La collection Cranford, nom commercial en l’occurrence, a été créée par Freddy et Muriel Salem. Elle se trouve à Londres, gérée actuellement par la curatrice belge Anne Pontegnie, ouverte au public, et joue un rôle important dans l’émergence de jeunes talents et des nombreuses relations entretenues avec d’autres institutions. Nous ne verrons à Montpellier qu’une partie de cette collection, soit 80 œuvres de 46 artistes. La période allant de 2000 à 2010 ouvre le 21ème siècle avec sa peur millénariste, la réalité du terrorisme mondialisé à partir de 2001 et l’emballement des nouveautés technologiques autour du web et des réseaux sociaux. Cette mise en relation du réel et de l’art ne fonctionne pas comme un simple reflet, mais comme une mise en perspective, avec le nécessaire pas de côté des artistes qui hument l’air du temps.

  Une œuvre d’Olafur Eliasson, visible de l’extérieur, intitulée Eye see you (« œil te voit ») accueille les visiteurs et brille dans la nuit, en fonction des directives horaires liées au Covid, semblable à quelque phare. Une autre œuvre, de type vidéo sonore sur deux écrans de Phil Collins, se trouve également accessible pour toutes et tous. Nommée they shoot horses (« On achève bien les chevaux »), elle reprend le thème des concours de danse durant la Grande Dépression aux USA, comme le montrait le film de Sydney Pollack, mais ici nous nous trouvons dans une réalité palestinienne de 2004, avec des jeunes filles et jeunes gens de Ramallah qui exorcisent par l’épuisement des corps leur enfermement.

  Beaucoup de grands noms de l’art ponctuent cette didactique mais jouissive monstration. Sélectionnons quelques artistes qui ponctuent cette décade aventureuse. Des peintres comme Albert Oehlen avec Schmilzender (« Fusion ») qui utilise l’ordinateur comme source d’inspiration et nos peurs atomiques comme référent. Karen Kilimnik revisite personnages historiques et stars de l’actualité en tracés vivaces. Kelley Walker (une œuvre de 2008, sans titre, présente sur la couverture du livret d’accompagnement) utilise des images de briques, scannées puis traitées en sérigraphie ; ainsi qu’un autre travail, qui s’étend sur une vaste surface, très complexe, réalisé à partir d’images de la publicité. Sans oublier Christopher Wool avec ses grandes compositions noyées sous des couches de peinture blanche ou Spartacus Chetwind avec ses étranges Bat opera (« L’opéra des chauves-souris »). Une mention spéciale pour une série de quatre peintures de Sigmar Polke, sans titre, datées de 2007, sises au dernier étage du sous-sol, dans l’ancien bunker. Utilisant le fond noir du tissu du support, l’artiste a introduit des composants chimiques qui vont changer peu à peu, la nature de l’œuvre. L’ensemble opte pour un genre fantastique, mâtiné de références à la peinture germanique d’autrefois. Un classicisme narquois et pourtant abstrait qui glisse vers des brumes immémoriales, nous laisse réfléchir à la vanité du temps qui passe.

  Dans la catégorie volumes et installations, on trouve aussi des incontournables comme Louise Bourgeois avec Maison de 2002, de la série des Cells. Elle a influencé des artistes comme Sarah Lucas, présente ici avec une installation sexuelle trash nommée Fuck Destiny (« Baiser le destin ») qui illustre un viol possible ou encore une réalisation commune avec Tracey Emin. Damien Hirst toujours présent avec une fameuse vitrine, Someting and Nothing, où des poissons tiennent la vedette, certains dans le formol, d’autres sous forme de squelettes. Isa Genzken et son Orang-Utan (reproduit sur la couverture du catalogue), grosse sculpture plus ou moins kitsch qui s’inscrit dans la tradition des « singeries » du 18ème siècle, mais avec des matériaux contemporains et décalés. Une composition de Mona Hatoum, très puissante, de deux mètres de haut, Graver Divide (« Division de la râpe ») qui symbolise la frontière à ne pas dépasser entre deux catégories humaines, sous peine de finir en fine poudre. Enfin deux sculptures en bronze de Rebecca Warren, aux formes exubérantes, occupent somptueusement l’espace.

  Une belle sélection de dessins de Raymond Pettibon, des portraits inattendus d’une grande finesse de Thomas Schütte et en conclusion très provisoire, une clown de Cindy Sherman (Untitled #419) de 2004, fortement sexuée avec des faux seins, grotesque et effrayante, mettant en lumière une partie de nos névroses. On peut se demander jusqu’où l’esprit des Salem irrigue le lieu actuel, en tout cas très vite se ressent la sensation d’une transplantation réussie. Ne resterait-il alors plus qu’à habiter vraiment à l’Hôtel Montcalm ?                                                                                                                                                                                                                                                                              Christian Skimao

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