MO.CO.
La Panacée
14,
rue de l’École de Pharmacie, Montpellier
Exposition
« Possédé.e.s Déviance, Performance, Résistance »
Du 26 septembre
2020 au 3 janvier 2021
L’âme de fond
D’emblée signalons la très grande qualité de cette exposition. En ces temps chafouins liés à l’épidémie et aux nombreux dégâts collatéraux dans le monde de l’art, « Possédé.e.s » enchante. Réenchanter le monde donc, avec force et subtilité, transgresser plutôt qu’agresser, voilà un programme des plus attrayants.
Débutons avec un projet d’échange d’âmes porté par Nicolas Aguirre et fort justement intitulé « Champ d’échange d’âmes ». Au travers d’objets réels déposés sur un bureau d’époque Louis XVI, l’artiste nous propose physiquement sept âmes échangées. Comment donc rendre visible l’invisible ? Ce, questionnement sur l’existence de l’âme et de sa définition (Platon et/ou Bouddha) oscille entre toutes les interprétations ? L’impalpable en passe de se trouver réalisé ?
Magie blanche, magie noire, alchimie, diableries, occultisme,… Tremblez ami.e.s de la rationalité ! Évidemment, cela ne s’énonce pas de façon aussi simple puisque nous nous trouvons dans un champ artistique qui opte pour un pas de côté. La référence à la possession ouvre sur un champ actuel et mémoriel où les corps oubliés et méprisés prennent leur revanche sur les normes de la société. Ainsi, la figure de la sorcière retrouve aujourd’hui un écho permettant de poser la question de l’oppression. La question du genre demeure également en intertexte et dans l’ensemble de cette monstration.
Place aux images qui bougent avec deux vidéos qui interpellent. La première, réalisée par Pauline Curnier-Jardin, intitulée Qu’un sang impur, narre les aventures d’un groupe de femmes ménopausées qui au contact d’hommes jeunes retrouvent leur cycle menstruel. Puis lassées de se trouver ignorées, elles exécutent les mâles avant de se retrouver en prison et de s’évader pour un sabbat symbolique. Le mélange de revendications féministes sur un sujet aussi délicat se mélange avec des références aux films gore puisque l’hémoglobine coule à flots. La deuxième, de Laura Gozlan nommée Y.E.S. I, MUM please, présente l’artiste déguisée en femme fatale ou en ménagère de séries, fumant des morceaux de momie pour acquérir l’immortalité. Diverses pièces présentes dans le film permettent d’évoluer dans un champ exploratoire où le sérieux le dispute au troisième degré.
Un environnement musical très prégnant avec Requiem pour 114 radios de Iain Forsyth et Jane Pollard qui revisitent le Dies Irae (Jour de colère, en latin), fameux hymne funéraire médiéval, avec des chanteurs anglais de rock alternatif. De vieilles radios disposées le long du mur perturbent notre regard tandis que cette mélopée acquiert une force alternative. Il semble essentiel de travailler sur un concept musical permettant de mettre l’impalpable à la portée de toutes et tous.
Trop rapidement évoqués ici, d’autres artistes interpellent comme M. Mahdi Hamed Hassanzada et sa série de Divs. Grande puissance formelle relayant une dénonciation de l’oppression sexuelle par les diktats religieux. Myriam Mihindou avec sa formidable série photographique Sculptures de chair où ses mains, recouvertes de poudre de kaolin blanc ou brun, renouent avec les rites de passage du Gabon. Des ligatures, piqûres et autres liens font de ses mains des volumes. S’inscrivant dans une certaine tradition du body art, elle conjugue mise en espace et mise à distance avec une virtuosité certaine, mais aussi une très grande force. La « créolisation » des images de Raphaël Barontini qui mixe passé et présent en une saisissante interprétation. On lui doit l’œuvre Clotilde de France, figurant superbement sur l’affiche générale de La Panacée.
Et bien sûr le fantôme de l’immense Pierre
Molinier et de ses « inconvenantes et incongrues » photographies
qui jouent ici le rôle du fil conducteur de l’époque surréaliste à aujourd’hui.
Christian Skimao
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