Exposition « La mécanique du trait. Quand la main s’efface. »
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ARTISTES ADRIEN M ET CLAIRE B DOMINIQUE CASTELL BASTIEN FAUDON STÉPHANE
LALLEMAND MARIN MARTINIE MÉCANIQUES DISCURSIVES VERA MOLNAR CHRISTOPHE
MONCHALIN OSCAR MUNOZ TINA ET CHARLY JEAN TINGUELY CATHARINA VAN EETVELD
Le
Grenier à sel (EDIS), 2 rue du Rempart Saint-Lazare, Avignon.
Du 2
avril au 25 juin 2022.
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Vue partielle de Mécaniques discursives de Jacquet et Penelle. Avignon, 2022. |
Un trait d’esprit
Depuis quelques années déjà , le dessin redevient une pratique séduisante, tant pour le public que pour les collectionneurs,. Il concentre avec des matériaux simples une forte présence liée au mariage de la pensée et du faire. Face à ce fétichisme, certes compréhensible, existe aussi une interrogation du côté des nouvelles technologies qui privilégient certaines approches pour aboutir à une vision différente. Saluons l’intelligence du commissariat de Véronique Baton qui aboutit à une mise en scène alliant réflexion et rêverie.
Trois artistes historiques servent d’introduction :
d’abord des extraits du fameux film Le mystère Picasso de Henri-Georges
Clouzot nous montre directement le processus de création suivi par Picasso ; ensuite Jean
Tinguely, immense inventeur, dont on re-découvre à nouveau toute la créativité et
la contestation du monde de l’art avec ses Méta-matics ou machines à
dessiner, se moquant ainsi de l’expressionnisme abstrait ; enfin la
toujours jeune Vera Molnár (née en 1924) qui a utilisé l’ordinateur depuis 1968
et réalisé sa fameuse série A la recherche de Paul Klee.
La partie contemporaine comprend une grande et
superbe installation Mécaniques discursives (2019) de Yannik Jannet et
Fred Penelle (disparu en 2020). La
technique analogique de la gravure se mélange avec la création numérique,
l’ensemble en noir et blanc, mettant en scène les conditions magiques d’une
projection pour grands enfants ou/et renouant avec une lecture surréalisante d’un
monde contemporain. On pense parfois aux collages 2.0 de Max Ernst reliés à des
chaînes de chiffres qui tournent sans aucun sens dans les centrales de données.
Dans cet état d’esprit mais avec une autre technologie, la réalité virtuelle, la
très poétique réalisation de Christophe Monchalin nommée Muted (2020).
Affublés d’un casque en VR nous plongeons en apnée dans les émotions d’une
jeune fille, sorte de « grand bleu » mémoriel où s’entremêlent textes,
sensations, dessins divers, etc. L’effet global d’enfermement facilite notre
capacité d’attention, nous offrant paradoxalement une renaissance. Un autre
duo, Tina & Charly (Tina Campana et Charly Fernandes) proposent avec Peintures
algorithmées et Peintures GPS une réalisation plastique opérée grâce
à un algorithme. Tina fait un trait de couleur rouge, Charly de couleur verte, le
bleu se trouve enfin effectué par la machine. Le résultat propose des
compositions plus ou moins mystérieuses qui renouent avec les tracés
cabalistiques. Le troisième duo, Adrien M & Claire B (Adrien Mondo et
Claire Bardanne) explorent avec Acqua Alta la relation entre décors de
papier réels et interventions animées, visibles par le biais d’une tablette. Marin
Martinie questionne les rapports plus ou moins troubles entre images fixes et
animées au travers de l’utilisation de quatre figures simples dans Apparition
des figures standards (2020).
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Apparitions des figures standarts (détail), Marin Martinie, Avignon, 2022. |
Une
recherche qualifiable de rétrofuturiste prend place avec la série Télécrans
de Stéphane Lallemand qui utilise un
jouet éducatif inventé dans les années 1950 (déjà !) et qui permettait aux
enfants de tracer des traits à l’aide de deux boutons. L’artiste a reproduit
des nus féminins issus des tableaux classiques de l’histoire de l’art (Les
Baigneuses de Renoir, par exemple) en conservant un tremblement des plus
troublants. Bastien Faudon qui se définit en qualité d’artiste-chercheur
propose des travaux sur plastique thermoformé qui montrent le processus créatif
en action. Il y a également un passionnant travail dans L’espace entre nous
(2020) qui montre une sphère qui déroule ses linéaments, en noir et blanc. Et pour
finir, Dominique Castel nous interroge avec sa série Dove noi siamo ?- Stromboli
(phrase reprise du Voyage au centre de la Terre de Jules Verne, lorsque
les protagonistes du roman se trouvent à nouveau à la surface de notre globe) sur
la réalité du dessin, la vibration de la lumière et la fugacité de l’acte. Ses
actions volcaniques jouent métaphoriquement avec les laves éteintes de la
mémoire. Aux tracés évanescents répondent les interrogations d’une poésie en
devenir.
Christian Skimao
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