dimanche 10 avril 2022

Exposition « La mécanique du trait. Quand la main s’efface. », Le Grenier à sel, Avignon, 2022.

 Exposition « La mécanique du trait. Quand la main s’efface. »

11 ARTISTES ADRIEN M ET CLAIRE B DOMINIQUE CASTELL BASTIEN FAUDON STÉPHANE LALLEMAND MARIN MARTINIE MÉCANIQUES DISCURSIVES VERA MOLNAR CHRISTOPHE MONCHALIN OSCAR MUNOZ TINA ET CHARLY JEAN TINGUELY CATHARINA VAN EETVELD

Le Grenier à sel (EDIS), 2 rue du Rempart Saint-Lazare, Avignon.

Du 2 avril au 25 juin 2022.

 

Vue partielle de Mécaniques discursives de Jacquet et Penelle. Avignon, 2022.


Un trait d’esprit

 

 

  Depuis quelques années déjà , le dessin redevient une pratique séduisante, tant pour le public que pour les collectionneurs,. Il concentre avec des matériaux simples une forte présence liée au mariage de la pensée et du faire. Face à ce fétichisme, certes compréhensible, existe aussi une interrogation du côté des nouvelles technologies qui privilégient certaines approches pour aboutir  à une vision différente. Saluons l’intelligence du commissariat de Véronique Baton qui aboutit à une mise en scène alliant réflexion et rêverie.     

  Trois artistes historiques servent d’introduction : d’abord des extraits du fameux film Le mystère Picasso de Henri-Georges Clouzot nous montre directement le processus de création  suivi par Picasso ; ensuite Jean Tinguely, immense inventeur, dont on re-découvre à nouveau toute la créativité et la contestation du monde de l’art avec ses Méta-matics ou machines à dessiner, se moquant ainsi de l’expressionnisme abstrait ; enfin la toujours jeune Vera Molnár (née en 1924) qui a utilisé l’ordinateur depuis 1968 et réalisé sa fameuse série A la recherche de Paul Klee.


  La partie contemporaine comprend une grande et superbe installation Mécaniques discursives (2019) de Yannik Jannet et Fred Penelle (disparu en 2020).  La technique analogique de la gravure se mélange avec la création numérique, l’ensemble en noir et blanc, mettant en scène les conditions magiques d’une projection pour grands enfants ou/et renouant avec une lecture surréalisante d’un monde contemporain. On pense parfois aux collages 2.0 de Max Ernst reliés à des chaînes de chiffres qui tournent sans aucun sens dans les centrales de données. Dans cet état d’esprit mais avec une autre technologie, la réalité virtuelle, la très poétique réalisation de Christophe Monchalin nommée Muted (2020). Affublés d’un casque en VR nous plongeons en apnée dans les émotions d’une jeune fille, sorte de « grand bleu » mémoriel où s’entremêlent textes, sensations, dessins divers, etc. L’effet global d’enfermement facilite notre capacité d’attention, nous offrant paradoxalement une renaissance. Un autre duo, Tina & Charly (Tina Campana et Charly Fernandes) proposent avec Peintures algorithmées et Peintures GPS une réalisation plastique opérée grâce à un algorithme. Tina fait un trait de couleur rouge, Charly de couleur verte, le bleu se trouve enfin effectué par la machine. Le résultat propose des compositions plus ou moins mystérieuses qui renouent avec les tracés cabalistiques. Le troisième duo, Adrien M & Claire B (Adrien Mondo et Claire Bardanne) explorent avec Acqua Alta la relation entre décors de papier réels et interventions animées, visibles par le biais d’une tablette. Marin Martinie questionne les rapports plus ou moins troubles entre images fixes et animées au travers de l’utilisation de quatre figures simples dans Apparition des figures standards (2020).


Apparitions des figures standarts (détail), Marin Martinie, Avignon, 2022.


  Une recherche qualifiable de rétrofuturiste prend place avec la série Télécrans de Stéphane Lallemand  qui utilise un jouet éducatif inventé dans les années 1950 (déjà !) et qui permettait aux enfants de tracer des traits à l’aide de deux boutons. L’artiste a reproduit des nus féminins issus des tableaux classiques de l’histoire de l’art (Les Baigneuses de Renoir, par exemple) en conservant un tremblement des plus troublants. Bastien Faudon qui se définit en qualité d’artiste-chercheur propose des travaux sur plastique thermoformé qui montrent le processus créatif en action. Il y a également un passionnant travail dans L’espace entre nous (2020) qui montre une sphère qui déroule ses linéaments, en noir et blanc. Et pour finir, Dominique Castel nous interroge avec sa série Dove noi siamo ?- Stromboli (phrase reprise du Voyage au centre de la Terre de Jules Verne, lorsque les protagonistes du roman se trouvent à nouveau à la surface de notre globe) sur la réalité du dessin, la vibration de la lumière et la fugacité de l’acte. Ses actions volcaniques jouent métaphoriquement avec les laves éteintes de la mémoire. Aux tracés évanescents répondent les interrogations d’une poésie en devenir.

                                                                                                                                 Christian Skimao

 

                                                                                                     

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