Exposition
« Parloir » de Nairy Baghramian
Carré d’art-Musée d’art contemporain
Place de
la Maison Carrée, Nîmes
Du 29
avril au 18 septembre 2022
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Nairy Baghramian, Deep Furrow, 2021, aluminium moulé, cire, acier chromé, 147 x 135 x 54 cm ; 164 x 185 x 47 cm ; 147 x 170 x 47 cm. Photo Werner Kaligofsk |
Frontières et bordures
Nairy Baghramian est une artiste internationale,
née en Iran et vivant à Berlin. D’emblée, se pose la question de l’équilibre et
des possibles fragilités de ses œuvres. Pourtant à la vue des matériaux,
souvent d’origine industrielle, rien ne semble si fragile, bien au contraire. C’est
donc dans cet entre-deux, entre écoulement et écroulement que se situe la
réflexion de cette artiste. Revisitant l’histoire de l’art avec la désinvolture
feinte de celle qui sait s’y inscrire avec brio, elle mêle une pensée en action
avec une implication du spectateur jusqu’à introduire un doute sur les
apparences, propice au dialogue, d’où la dénomination générale de la
monstration nîmoise, « Parloir ».
Avec Spanner/Tendeur (2008)
dans la première salle, on sent que la partition annoncée de l’espace n’est
pas si simple, car que deviennent les illusions d’une séparation alors que tout
demeure visible dans la matérialité même de ce câble, composé de plusieurs
parties, aux éléments faisant songer à quelque bracelet géant. Parfois, des
photos signalent une référence autobiographique, semblable à des ponctuations
d’un réel revisité comme Portrait (The concept-artist smoking head, Stand-In)
de 2006 qui montre une fumée d’usine. Baghramian évoque une vue possible depuis
son atelier berlinois. Mais en présence de quelle échappée, nous trouvons-nous
véritablement ? Face à quel autoportrait nous interrogeons-nous ?
L’énigmatique mise en équilibre
des formes s’éprouve dans une œuvre comme Das hübsche Eck/Le joli coin
(2006) où le métal s’appuie sur le bois alors qu’une vaste vitre nous invite à
découvrir tenants et aboutissements. La solidité apparente s’estompe devant une
fragilité que la transparence met en relief. Rien n’est vraiment stable sinon
le concept. Une série de réalisations plus organiques comme Dwindler_Dizzle
(2021) mélangent verre, métal zingué, et résine époxy colorée, semblable à un souvenir
des ruines. La notion romantique du désastre et de son esthétique s’inscrit
dans une contemporanéité beaucoup plus percutante. Sans oublier les renversantes
réalisations de la série Deep Furow (2021), sorte de membres articulés
en forme de carapaces, qui s’inscrivent dans un espace-temps à déterminer. Les
époques s’enchevêtrent dans ce dialogue post-moderne, ou plutôt
post-contemporain.
Une œuvre très représentative des liens existant entre architecture et art, fonctionnalisme apparent et relations humaines court dans les hauteurs de Carré d’art et dans une des salles avec Von der Stange (Handlauf). Cette barre chromée d’appui (mais pour qui ?), cette main courante (mais pourquoi ?) se trouve soutenue par des anneaux hors d’échelle de couleur bleue et traverse l’espace dans une tranquille solitude. Symboliquement présente et inutilisable réellement, elle montre toute l’ampleur des enjeux réflexifs de Nairy Baghramian.
Christian Skimao
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Nairy Baghramian, Von der Stange (Handlauf), 2014 aluminium coulé et peint, poteau en laiton chromé, béton, dimensions installé variables. Photo Jens Ziehe |
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