mercredi 4 mai 2022

Exposition « Parloir » de Nairy Baghramian Carré d’art-Musée d’art contemporain,Nîmes, 2022

 

Exposition « Parloir » de Nairy Baghramian

Carré d’art-Musée d’art contemporain

Place de la Maison Carrée, Nîmes

Du 29 avril au 18 septembre 2022

 

Nairy Baghramian, Deep Furrow, 2021, aluminium moulé, cire, acier chromé, 147 x 135 x 54 cm ; 164 x 185 x 47 cm ; 147 x 170 x 47 cm. Photo Werner Kaligofsk



Frontières et bordures

 

 

  Nairy Baghramian est une artiste internationale, née en Iran et vivant à Berlin. D’emblée, se pose la question de l’équilibre et des possibles fragilités de ses œuvres. Pourtant à la vue des matériaux, souvent d’origine industrielle, rien ne semble si fragile, bien au contraire. C’est donc dans cet entre-deux, entre écoulement et écroulement que se situe la réflexion de cette artiste. Revisitant l’histoire de l’art avec la désinvolture feinte de celle qui sait s’y inscrire avec brio, elle mêle une pensée en action avec une implication du spectateur jusqu’à introduire un doute sur les apparences, propice au dialogue, d’où la dénomination générale de la monstration nîmoise, « Parloir ».

 

 Avec Spanner/Tendeur (2008) dans la première salle, on sent que la partition annoncée de l’espace n’est pas si simple, car que deviennent les illusions d’une séparation alors que tout demeure visible dans la matérialité même de ce câble, composé de plusieurs parties, aux éléments faisant songer à quelque bracelet géant. Parfois, des photos signalent une référence autobiographique, semblable à des ponctuations d’un réel revisité comme Portrait (The concept-artist smoking head, Stand-In) de 2006 qui montre une fumée d’usine. Baghramian évoque une vue possible depuis son atelier berlinois. Mais en présence de quelle échappée, nous trouvons-nous véritablement ? Face à quel autoportrait nous interrogeons-nous ?

 

  L’énigmatique mise en équilibre des formes s’éprouve dans une œuvre comme Das hübsche Eck/Le joli coin (2006) où le métal s’appuie sur le bois alors qu’une vaste vitre nous invite à découvrir tenants et aboutissements. La solidité apparente s’estompe devant une fragilité que la transparence met en relief. Rien n’est vraiment stable sinon le concept. Une série de réalisations plus organiques comme Dwindler_Dizzle (2021) mélangent verre, métal zingué, et résine époxy colorée, semblable à un souvenir des ruines. La notion romantique du désastre et de son esthétique s’inscrit dans une contemporanéité beaucoup plus percutante. Sans oublier les renversantes réalisations de la série Deep Furow (2021), sorte de membres articulés en forme de carapaces, qui s’inscrivent dans un espace-temps à déterminer. Les époques s’enchevêtrent dans ce dialogue post-moderne, ou plutôt post-contemporain.

 

  Une œuvre très représentative des liens existant entre architecture et art, fonctionnalisme apparent et relations humaines court dans les hauteurs de Carré d’art et dans une des salles avec Von der Stange (Handlauf). Cette barre chromée d’appui (mais pour qui ?), cette main courante (mais pourquoi ?) se trouve soutenue par des anneaux hors d’échelle de couleur bleue et traverse l’espace dans une tranquille solitude. Symboliquement présente et inutilisable réellement, elle montre toute l’ampleur des enjeux réflexifs de Nairy Baghramian.


   Christian Skimao


Nairy Baghramian, Von der Stange (Handlauf), 2014 aluminium coulé et peint, poteau en laiton chromé, béton, dimensions installé variables. Photo Jens Ziehe


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