Exposition
Live Evil d’Arthur Jafa
LUMA
Arles
La
Mécanique Générale et La Grande Halle
Du
14 avril 2022 au 1er janvier 2023
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Arthur Jafa. Big Wheel II, 2018 and Ex-Slave Gordon 1863, 2013. |
Noir c’est noir !
Cette rétrospective du grand artiste Arthur
Jafa explore de nombreux moments de la culture noire et de sa perception. Elle
questionne l’identité même de ce qui est noir d’un point de vue philosophique,
esthétique et politique. Cette mise en scène d’une histoire plus que difficile avec
un présent toujours émaillé de racisme vis-à-vis des Afro-américains nécessite de
nombreuses approches. Ainsi, les commissaires de l’exposition (Vassilis
Oikonomopoulos et Flora Katz, assistés de Claire Charrier) ont opté pour un
parcours mélangeant des vidéos, des sculptures, des photographies et des œuvres
plus composites encore. Le titre général Live Evil reprend le titre d’un
album de Miles Davis de 1971. L’ensemble
apparaît comme détonant. On trouve dans La Grande Halle, conservant son sol en
terre battue, une œuvre magistrale, AGHDRA, durée de 85 mn, où un
paysage mouvant de roches noires numérisées forme des vagues incessantes tandis
que de puissantes vibrations perturbent le spectateur, normalement allongé sur
un plan incliné en gazon synthétique. Le monde s’écoule et s’écroule tandis que
le son annonciateur d’un tremblement de terre intérieur ne cesse guère. Une
référence indirecte au Déluge, dans la grande tradition apocalyptique, ou la
chute finale de nos illusions sur le monde. Le reste de l’installation, dans
une semi-obscurité permanente, décline un hommage à Greg Tate (ami de Jafa récemment
décédé), des panneaux publicitaires de grande taille avec des images de
chanteurs et chanteuses, de musiciens et d’artistes noirs. Dans un espace un
peu caché, se trouve une étonnante composition de petites sculptures, des représentations
de bolis (statues zoomorphes, chargées de puissance dans la culture bambara, au
Mali) associés à des fragments de rails, comme un lieu réflexif et magique.
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Arthur Jafa. Rails and bolis. |
À La Mécanique Générale, où débute normalement la monstration, le parcours nous entraîne dans la longue histoire du peuple noir et de sa culture. La mise en scène d’événements marquants, au travers de compositions, de photos et de vidéos ouvre sur un univers à la fois personnel et global. On peut y voir The White Album, qui a obtenu le Lion d’or à la Biennale de Venise en 2019. Apparaissent également des papiers peints très frappants comme la prestation de serment au drapeau américain par des élèves noirs en 1899 en Virginie. Un autre, de très grande taille, When the Levee Breaks (2020) montre la crête d’une vague et fait allusion à la Grande Inondation du Mississippi en 1927. De temps à autre, apparaissent sur les murs des rails métalliques, des tubes en acier et d’autres en plastique ; ils symbolisent l’expérience aliénante de la vie noire et Jafa les désigne sous le nom générique de « porteurs de charge ». L’Histoire se confond avec les histoires individuelles au travers d’œuvres très représentatives comme Big Wheel II (2018), un pneu de 2 mètres de haut entouré de larges chaînes, puissante réalisation qui fait écho à la pratique de l’esclavage et à la condition des travailleurs de couleur. Et bien d’autres encore, mêlant faits culturels et artistiques avec la ségrégation d’autrefois et les meurtres d’aujourd’hui. On peut évoquer un maelström d’idées et de représentations qui convoque une cartographie intime de l’artiste. À chacune et chacun de le suivre sur ce chemin émaillé de grandeur et de souffrances.
Christian Skimao
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Arthur Jafa. Mickey Mouse was a Scorpio, 2016-2020. |
In
memoriam aux victimes de la tuerie du supermarché de Buffalo (État de New-York),
en ce 14 mai 2022.
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