mercredi 25 mai 2022

Exposition "Contre-nature. La céramique, une épreuve du feu." MOCO, La Panacée, Montpellier, 2022.

 

Exposition Contre-nature. La céramique, une épreuve du feu.

MOCO, La Panacée, Montpellier.

Du 21 mai au 4 septembre 2022

Avec Caroline Achaintre, Salvatore Arancio, Sylvie Auvray, Julie Béna, Jessica Boubetra, Gisèle Buthod-Garçon, Marianne Castelly, Cyril Chartier-Poyet, Johan Creten, Roberto Cuoghi, Michel Gouéry, Takuro Kuwata, Claire Lindner, Simon Manoha, Nitsa Meletopoulos, Marlène Mocquet, Sandrine Pagny, Aneta Regel, Brian Rochefort, Sterling Ruby, Elsa Sahal, Mathilde Sauce, Katrina Schneider, Elmar Trenkwalder, Tamara Van San, Marion Verboom, Anne Verdier, Duo Vertigo, Nick Weddell, Anne Wenze

 

 

Anne Wenzel Silent Landscape [Paysage silencieux], 2006. Courtesy de l'artiste, Galerie Tarasieve et Akinci. 


La terre dans tous ses états

 Une exposition sur la céramique semble un pari difficile, concernant la céramique contemporaine une aventure. Pour ceux qui ont connu la condescendance institutionnelle française, d’il y a 30 ans, à son égard, un pari impossible. Mais les temps changent, la mode se démode et le monde artistique hexagonal, après la peinture, se penche sur cette antique pratique, célébrée dans bien des pays, dont les USA, la Chine et bien sûr, depuis si longtemps, le Japon. L’ouverture de la Manufacture de Sèvres à de nombreux jeunes artistes au travers de résidences a fortement changé la donne.

  Poser un regard neuf sur une terre nouvelle, deviendrait la formule incantatoire de cette grande exposition. Axant l’ensemble sur trois grandes propositions : la relation antinaturaliste de la céramique, l’aride et le minéral, les installations monumentales, les commissaires Vincent Honoré et Caroline Chabrand, à partir d’une proposition de Numa Hambursin, première d’un nouveau cycle, ont rempli brillamment leur mission.

  En vrac, parcourons les travaux et présentons nos excuses pour les artistes non cité(e)s. Claire Lindner ouvre le bal avec ses compositions qui assemblent des colombins tourmentés et colorés, entre animal et végétal, offrant une approche à la fois naturelle et sophistiquée. A contrario les constructions de Jessica Boubetra offrent une volonté de mélanger genres et matériaux ; la série des Phantasia (2021), construite et affirmée, usant de l’impression 3D, bouscule les codes expressionnistes de l’argile, pour afficher une modernité, faussement décorative, pleine d’allant. Johan Creten, artiste désormais historique de cette « nouvelle céramique », expose ses ruches narratives. La conscience d’un art qui se raconte dépasse évidemment la simple réalisation. Gisèle Buthod-Garçon travaille dans une approche plus traditionnelle, mais avec un grand sens des formes. Caroline Achaintre  avec Hadrian (2020) signe une œuvre puissante et symbolique. La beauté formelle ne doit cependant pas cacher une longue réflexion sur le devenir de l’art. Salvatore Arancio, artiste italien, réalise une approche mêlant sa pratique de la photographie et son savoir de la terre. Une œuvre à la fois sensible, surprenante, où les références sexuelles se trouvent montrées et cachées. Julie Béna et ses onze masques de terre (2022) opte pour un minimalisme qui invite à une réflexion sur le théâtre antique et le monde actuel. Enfin le travail très impressionnant de Simon Manoha qui nous fait participer à la naissance du monde, du moins de son monde, à travers la cendre et le feu. La qualité générale de toutes les autres œuvres, sans exception, soutenue par une scénographie à la fois didactique et enjouée, procure une grande satisfaction pour l’œil.

Vue globale de Contre-Nature avec au premier plan 3 Phantasia de Jessica Boubetra (2006). 

  Au niveau des installations, Anne Wenzel propose avec Silent Landscape (2006), une formidable réalisation où les céramiques noires fonctionnent dans un environnement comprenant de l’eau et une peinture murale de bois stylisés. Un moment de silence s’impose lorsque l’on parcourt cette forêt pétrifiée qui incite à la réflexion sur la construction d’un monde issu d’une esthétique de la déconstruction. Marlène Moquet, pétulante et inclassable créatrice, nous fait circuler dans un véritable rébus coloré où tels des visiteurs recueillis nous avançons éclairés par la foi du fantastique, aidés aussi de quelques bougies. Deux moments très forts dans cette expérience hors limites du matériau céramique.  

  Le duo Vertigo (Victor Alarcon et Nita Meletopoulos) propose une Fontaine (2022) où rien ne coule de source. La décomposition générale des formes contraste avec la solidité de la composition. Elle irrigue nos fantasmes et rafraîchit nos vieilles idées. La céramique est de nouveau une actrice du 21ème siècle …

 

  

                                                                                                                                            Christian Skimao

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