Exposition Claude Viallat
Et pourtant
si…
Carré
d’Art-Musée d’art contemporain, Nîmes
Du 27 octobre
2023 au 11 février 2024
Vue partielle de l'exposition Viallat, Carré d'Art, 2023.
Si Viallat
m’était conté…
La totale ! Depuis le hall jusqu’aux deux
niveaux d’expositions, Claude Viallat envahit l’espace dans un esprit quasi-environnemental.
Un peu plus de 250 œuvres assez récentes couvrent la période allant de 2015 à
2023. Cet hommage de la ville de Nîmes à son incontournable créateur joue
paradoxalement sur une carte inventive et non pas simplement muséale. Viallat,
artiste et poète, a réussi son pari de ne pas faire partie des meubles bien
cirés de l’histoire de l’art, mais de continuer, avec modestie et ténacité,
d’en faire surgir de formidablement bricolés.
Si dans le monde entier se trouve connue la
fameuse forme qui se décline, avec des variantes, sur des formats monumentaux,
grands et petits, il existe également les assemblages, conçus de façon plus
aléatoire, nouant et dénouant les fils du temps, en des compositions qualifiables
parfois de pré-historiques. La référence à l’époque s’estompe devant ses
créations faites de bois, pierres, lanières, cordes, etc. S’il en va de même
avec les tracés de l’empreinte qui se réfèrent aux mains pariétales, on
comprend mieux la notion de création immémoriale qui se trouve contenue dans
chaque œuvre. Si Supports-Surfaces marque une date dans l’histoire de la
peinture contemporaine, la relation avec l’Histoire de Viallat est plus
complexe. Les réalisations du premier étage, comme ces toiles raboutées,
déconstruites, recomposées nous font entrer de plain-pied dans ces
questionnements sur la forme et le support, sans oublier la puissance matissienne
de la couleur, avec en plus une joie jubilatoire pour celui ou celle qui les
découvre.
Vue partielle des TAU de Viallat, Carré d'Art, 2023.
Au second étage, se trouvent des toiles plus
monumentales, comme celle utilisée pour le carton d’invitation (Hommage à
Paco Ibanez, 2009). La puissance retrouvée du grand format laisse un peu
abasourdi dans un premier temps. On se souvient ici de la fameuse citation de Matisse,
toujours lui : « Un centimètre carré de bleu n’est pas aussi bleu
qu’un mètre carré du même bleu ». Néanmoins des toiles aériennes, peintes
sur des supports très fragiles offrent au regard l’évanescence d’un monde
plastique qui pourrait ne pas durer. Tout s’assemble, se recycle, s’épanouit
dans une volonté de recyclage au travers des draps, parasols, parachutes, etc.
Viallat travaille beaucoup, presque tout le temps, mais c’est dans l’épuisement
du corps de la peinture que se trouve sa vérité. Nulle école ne le retient et
pourtant il songe à faire sens, mais sans nous en donner réellement les clefs.
Plusieurs salles se trouvent occupées par des compositions énigmatiques en TAU*.
Cette forme se réfère à la lettre phénicienne d’origine « T » qui a
dérivé jusqu’à aujourd’hui en passant par l’alphabet grec ancien et moderne ;
sans oublier la puissance formelle du signe présente dans la stylisation du TAUreau.
Les significations de ces toiles demeurent donc multiples, jouant avec leur résonnance
tauromachique et leur construction spécifique. L’évidence du signifiant narre
paradoxalement des luttes en devenir, entre fictions et réalités.
Claude Viallat, Carré d'Art, 2023.
Pas facile de définir cette monstration qui
flirte avec des codes inattendus. Pas facile de définir la pensée en action de
Claude Viallat. Une de ses toiles présente une empreinte vide entourée d’un
halo rose. L’esprit zen s’invite où on ne l’attendait pas. Oserions-nous
qualifier l’artiste de magicien ?
Christian Skimao
* Mon premier article consacré
à Claude Viallat, l’éTAU se resserre évoquait son exposition, à la
Chapelle de la Salamandre à Nîmes. Publié il y a presque 40 ans, dans la revue Strapontin
(Montpellier), il m’évoque aujourd’hui une sorte de madeleine conceptuelle.
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