Exposition monographique de Huma Bhabha
« Une mouche
est apparue, et disparut »
MO.CO.
Montpellier
Du 18 novembre
2023 au 28 janvier 2024
Huma Bhabha, VESSEL, statue matériaux divers, 2014.
Comme une boule à facettes
L’excellent
travail de cette artiste d’origine pakistanaise balaie tous les registres, allant
de la contemporanéité à la relecture des grands artistes de la modernité et des
temps anciens, en passant par des références aux formes populaires du cinéma et
de la science-fiction. Il en va de même avec les matériaux utilisés, glissant
avec aisance de l’argile au bronze en ne négligeant point le polystyrène, pour
ne citer qu’eux. Huma Bhabha, qui réside Etats-Unis, opte pour une approche résolument
actuelle, se voulant non dépendante des étroites références nationales, ouvrant
des portes pour toutes et tous sur les mondes passés et futurs.
Si Centaur
(2000) ouvre l’exposition, il s’agit de montrer où réside cette
interpénétration, évoquant des mythes anciens avec des matériaux d’aujourd’hui.
La naissance des possibles surgit de l’incongruité entre le trivial et le
grandiose au travers de la force de l’assemblage. Parfois, une tête monumentale
frappe par son découpage en lamelles augmentant les points de vue, comme celle intitulée
Call at Will(2009)qui se compose de couches verticales de bois et de polystyrène mêlées à
de l’argile, du fil de fer et de l’acrylique. La puissance du résultat semble
presque contredire la trivialité des matériaux. Sa pensée œuvre au
recyclage des matériaux en une vertigineuse approche. Si nous nous trouvons
bien dans le monde actuel, Huma Bhabha convoque avec force les temps antiques en
une rencontre improbable.
Un vers d’Omar
Khayyâm, le grand poète persan des 11ème et 12ème siècles,
sert de fil conducteur et donne le titre à l’exposition. Cette mouche qui
apparaît et disparaît constitue une énigme poétique de taille. Mais revenons aux
statues qui mises ensemble créent un effet de sidération. L’individualité de
chacune se trouve transformée par cette nouvelle mise en scène qui semble jouer
avec des codes archaïques. Ces références totémiques mêlent apparences humaines
et animales dans un tourbillon plastique. Qui donc connaît précisément la signification
exacte des anciennes divinités de pierre et celle des neuves idoles composites voulues
par la créatrice ? The Hood Maker (2019), statue composée de liège, de
synthétique et de peinture acrylique offre une représentation animale d’un côté
et humaine de l’autre, symbole d’une
incroyable hybridation.
Huma Bhabha, Sans titre, oeuvre sur papier, 2021-22
Des œuvres sur
papier déclinent des portraits de potentiels aliens, parfois cruels, parfois
égarés, mais toujours traités de façon expressionniste. Là encore la rencontre
fortuite entre un style et une idée crée cet indicible décalage. Notre
contemporanéité se trouve prise au piège des effigies de terre et de bronze
tandis que plane au-dessus de nous le spectre d’amours (extra) terrestres toujours
recommencées.
Christian Skimao
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