vendredi 22 octobre 2021

Exposition Léo Fourdrinier. CACN, Nîmes, 2021.

 

Exposition Léo Fourdrinier

La lune dans un œil et le soleil dans l’autre

CACN, Place Roger Bastide, Nîmes

Du 20 octobre 2021 au 19 février 2022

 

Léo Fourdrinier. The Sleeper. Châssis de scooter en acier, plâtre, pierre, peinture epoxy, néon.180x145x150 cm. 2021. 

 

               Dans l’entre-deux d’une narration stylée

  L’exposition inaugurale du CACN, en ses nouveaux locaux, démarre avec brio et élégance avec Léo Fourdrinier. Reprenant une partie d’un vers de Paul Eluard pour titre de sa monstration, l’artiste nous présente un dialogue entre le plein et le vide, la terre et les étoiles, l’antiquité et le contemporain en 27 réflexions plastiques.

  Le vers en totalité se trouve extrait du poème Suite 2 dans Capitale de la douleur et commence par le verbe « Dormir ». Ce qui nous amène tout naturellement à The Sleeper où cohabitent un châssis de scooter en acier, un autoportrait en volume de l’artiste, un néon au mur, et une sphère de pierre évoquant la pensée. La prolongation du buste de plâtre par une sorte de vaste stylet (stylé ?) pourrait symboliser la pénétration dans le réel. Cette œuvre, ni sculpture au sens traditionnel ni installation normée pose bien des questions au regardeur. La rencontre de ses éléments épars, fonctionnant sur une opposition du noir et du blanc, évoque des strates diverses de perception. Fourdrinier se met en scène, mais sans nous offrir toutes les clefs de ses serrures mémorielles. Il ne se s’affiche pas en tant que créateur statique, mais mouvant qui raconte non seulement son histoire, mais aussi des histoires et peut-être même une partie de la nôtre.

  La référence littéraire tient donc une place importante dans sa recherche. L’influence de Roger Caillois et ses écrits autour de sa légendaire collection de pierres se retrouvent indirectement dans diverses œuvres comme Collision (In Solitude of Memory) Part III avec un casque de moto, une pierre et un éclairage led ou Arôme comprenant là aussi un casque de moto, une pierre et de la mousse végétale. Le choix de la pierre, voulu ou non voulu, la mise en place des éléments, leur mystérieuse juxtaposition conduit à l’apparition d’une œuvre, intrigante et familière à la fois, comme la vraie vie. Qui, bien sûr, se trouve ailleurs. Une contemporanéité plus immédiate, bien que nous nous trouvions face à l’éternité, conduit à une collaboration avec l’astrophysicien Arthur Le Saux. Ses photographies prises du ciel en changeant l’intensité lumineuse par la technologie HDR montrent un nouvel aspect des strates amoureuses tandis que s’invite la poésie avec la dénomination, paradoxalement scientifique, des « étoiles déprimées ».

  En fin de parcours, une hallucinante vidéo intitulée Don’t cry Baby, it’s a Movie nous présente une jeune femme en train de se maquiller maladroitement. Celle-ci présentée comme une « reptilienne », figure préférée des complotistes, tente de ressembler à une terrienne en tartinant sa supposée carapace verte. La performance de l’alien en train d’essayer de se fondre dans une représentation humaine change notre regard sur les canons de beauté de la société de consommation et les injonctions du paraître. Tournée en pleine nature, ce vertigineux bricolage des corps rêvés (mais lesquels ?) offre une saisissante mise en abyme. Parodique ou didactique ?

  L’ensemble du travail de Léo Fourdrinier fait référence à un état d’attente propice à l’émergence d’un hasard contrôlé. Sa recherche d’un surréel contemporain, dégagé des lourdeurs dogmatiques d’autrefois, ouvre un champ nouveau d’expérimentations où technologies, vieilles pierres et récits s’imbriquent allègrement. Avec toutes ses contradictions, l’artiste nous propose un vivifiant bain de jouvence.

                                                                                                                         Christian Skimao

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