mardi 2 novembre 2021

Lee Ufan, "Requiem", aux Alyscamps, Arles, 2021.

 

Exposition Requiem de Lee Ufan

Nécropole des Alyscamps, Arles

Du 29 octobre 2021 à fin septembre 2022

 

 


Lee Ufan marchant sur Relatum-The Narrow Road

 

                              Rites du passage

 

 

 

  Présentée dans le cadre du 40ème anniversaire de l’inscription des monuments arlésiens sur la liste du patrimoine mondial par l’Unesco, qui comprend la nécropole des Alyscamps, l’exposition Requiem de Lee Ufan nous propose 14 haltes avec des œuvres propices à la réflexion. L’importance du lieu choisi par l’artiste conduit à nous interroger sur la notion antique de génie du lieu, la présence des défunts, et l’interaction avec des créations posées comme autant de points d’interrogations. On se souvient du mouvement « Mono-ha », dont Ufan fut à la fois théoricien et praticien, mettant en scène les matériaux produits par le travail humain et les matières naturelles (acier et pierre par exemple), permettant d’entamer un fascinant dialogue plastique et philosophique.


Lee Ufan Relatum-Circle and Straight


  Le rapport entre les vivants et les morts se trouve évoqué par le rite du passage entre deux mondes avec Relatum-Circle and Straight qui fait office de sas, à la fois symbolique et tangible, entre deux univers. Cette porte, première œuvre, ouvre sur le monde des fantômes, mais aussi sur notre propre avancée dans le temps et dans l’espace. L’importance du parcours demeure donc essentielle. Chaque visiteur doit en faire l’expérience et l’éprouver dans son corps, comme dans Relatum-The Narrow Road où il faut impérativement marcher sur l’œuvre, donc marcher littéralement sur le ciel grâce à l’effet miroir de la plaque. On pourrait penser à Carl Andre et à ses plaques industrielles posées au sol, mais l’analogie formelle s’arrête ici, comme toute comparaison avec le « Minimal Art », puisque Lee Ufan propose une aventure différente et intérieure. Comme les clochettes tintinnabulant dans les arbres au gré du vent de Relatum-Requiem Path qui font référence à des pratiques coréennes et japonaises pour le souvenir des morts.


  Au bout du périple, à l’intérieur de l’église Saint-Honorat se trouvent d’autres œuvres, certaines très simples comme un coup de pinceau vert sur une des fenêtres, jouant avec la couleur du feuillage des arbres extérieurs, d’autres vertigineuses comme Relatum-The Infinite Thread, avec cette cordelette suspendue sur un miroir en inox qui évoque l’infini des choses et leur impassible présence. L’artiste a opté pour une approche très humble par rapport aux tombes disséminées sur toute la surface du lieu. Avec Relatum-The Soul Room, deux sarcophages font office de lien entre les morts et le gardien de ces derniers avec des bougies allumées. Une transposition des mythes asiatiques dans la pierre occidentale montre l’enlacement des cultures et leur compréhension par toutes et tous. Arrêtons-nous un instant sur Relatum-Plastic Box qui propose trois fûts cylindriques, l’un rempli de terre, l’autre d’eau, le dernier d’air ; ils reposent sur un plancher de plastique avec également de la terre en dessous. Cette composition d’apparence tranquille, nous inquiète d’autant plus : la matière plastique (pétrole) contient les trois éléments sans possibilité de les dissocier. Lee Ufan semble poser les jalons d’un questionnement qui conduit de la représentation à la disparition dans le cadre d’une approche écologique mais surtout existentielle, car de multiples interprétations existent à partir de chacune de ses créations.

Lee Ufan Relatum-The Plastic Box


  L’artiste montre le caractère inéluctable et universel de la mort au travers d’une approche empreinte d’une grande humilité. Retrouver le contact entre les vivants demeure essentiel dans sa recherche. La matérialité s’inspire ici de la spiritualité et réciproquement. L’interactivité tant vantée aujourd’hui se situe pour lui dans les relations directes entre pensée, création et humanité. L’art poétique de Lee Ufan devient ainsi l’acmé d’un monde réellement relié.

                                                                                                                          

                                                                                                                               Christian Skimao

 

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