Exposition Abdelkader Benchamma « Rayon fossile »
Du 29 octobre 2021 au 20 février 2022
Collection Lambert (musée d’art
contemporain), Avignon.
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A. Benchamma. Composition autour de Los Angeles Battle. Exposition "Rayon fossile", 2021. |
Mémoires
flashées
Mais qui donc est Abdelkader Benchamma : un dessinateur qui pense ou un penseur qui dessine ? En tout cas un artiste qui compte désormais dans le paysage contemporain international. Son exposition occupe la totalité du rez-de-chaussée de l’hôtel de Montfaucon, permettant ainsi d’effectuer un voyage dans une partie de son œuvre.
Sa série Sculptures, de grands dessins
qui optent pour une verticalité, une massivité apparente et une fragilité innatendue,
se situe dans la première salle. Le dessin prolifère et se construit au fur et
à mesure, s’inscrivant dans un paradoxal espace illusionniste d’une grande beauté. Dans la deuxième salle l’artiste part d’une photo
intitulée Los Angeles Battle de 1942, où la DCA américaine éclaire violemment
le ciel et tire pendant plusieurs heures sur de supposés bombardiers japonais
qui n’ont jamais existé. Puis la mythologie ufologique opèrera un
transfert vers des soucoupes volantes dans les années suivantes. Bref, la
fiction l’emporte sur le réel. Il s’agit d’une intervention sur les murs, des variations de ladite photo, le tout ponctué de gravures de
Gustave Doré retravaillées (illustrant la Divine Comédie de Dante). Le
choc entre les différents formats ainsi que certaines superpositions de
travaux, créent un stimulant décalage dans la perception globale de l’œuvre. La
série Engramme se trouve dans la troisième salle. Rappelons que l’engramme
est la trace biologique de la
mémoire dans le cerveau. Ici, le dessin agit comme un dépôt de celle-ci. Les
tracés minutieux évoquent un passé historique et fictionnel, comme la
réinterprétation des marbres symétriques découverts par l’artiste il y a
plusieurs années dans Sainte-Sophie à Istanbul ; en même temps l’analyse réalisée
par Georges Didi-Huberman de la symbolique de l’utilisation de faux marbres
dans la peinture de Fra Angelico, fonctionne comme un déclic créatif. Ce
travail par strates engage l’intégration du dessin dans un autre dessin,
contribuant ainsi à une mise en abyme permanente. Dans la dernière salle, prend
place une puissante composition nommée Tree-Fossil. Là encore l’œil du
spectateur se trouve happé par elle tout en se trouvant sollicité par celles sises
de part et d’autre de ce point central. Le mariage entre compositions murales,
œuvres encadrées, et utilisation pertinente du vide définit une
majestueuse création environnementale.
Si le foisonnement et la multiplicité des références ancrent son travail dans une contemporanéité certaine, un formalisme plus classique irrigue paradoxalement son approche dessinée. Les concepts lui servent de support à de nouvelles explorations tout en lui permettant de construire une architecture de la distorsion. L’évocation de paysages sonores mentaux nous amène à considérer ce fameux « bruit blanc » (« White Noise »), titre américain d’un roman de Don DeLillo, traduit en français par Bruit sourd, qui sous-tend (à bas bruit) l’ensemble de son travail.
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Abdelkader Bechamma et Raymond Pettibon. Oeuvre croisée. |
À l’étage, se tient l’exposition
« Comics Trip ! » qui explore les relations entre bande dessinée
et art. On y trouvera des œuvres réalisées conjointement par Abdelkader Benchamma et
Raymond Pettibon, ce qui en surprendra plus d’un !
.
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