Exposition Stéphanie Brossard
« L’intraitable beauté de nos vies sauvages #2 »
Rendez-vous, Sous-sol, Collection Lambert, Avignon
Du 29 octobre 2021-30 janvier 2022
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Stéphanie Brossard. Glissement de terrain #3 |
S. et tremblements
Les tremblements de terre entrent-ils en résonance
avec ceux du cœur ? Plutôt qu’une approche critique, réalisée par Stéphane
Ibars dans son éclairant ouvrage sur une exposition précédente au Frac Réunion,
mettons ici l’accent sur la charge poétique de l’ensemble, qui entre références
littéraires (Édouard Glissant), concepts politiques au sens large (la
« créolisation ») et ressentis de l’artiste, créent une narration
ailée. Circulant entre l’île de La Réunion et la métropole, cette artiste de 29
ans, propose un regard chargé de mémoire, mais aussi d’espérance dans l’avenir
grâce à une grande détermination personnelle.
Glissement de terrain #3, une sorte de table-bac contenant de la terre de la région,
se trouve branchée sur la signalisation informatique en temps réel des
tremblements de terre dans le monde. Le dispositif permet ainsi d’assister en
direct à la transcription du séisme dans la salle, à Avignon, où de la terre se
renverse à mouvement tectonique. Si la portée symbolique apparaît très forte, la
thématique de l’interconnexion ne l’est pas moins. Intempéries, une baignoire fonctionnant sur le même principe, se remplit
en fonction de l’annonce des désastres sismiques et se vidange ensuite. L’histoire et l’Histoire se mêlent
intimement chez Stéphanie Brossard puisque cet épisode de la baignoire
correspond à un rituel pratiqué par sa grand-mère. Elle fait aussi référence à la baignoire en marbre de Madame
Desbassayns
(1755-1846), très riche propriétaire de plantations
et d’esclaves à La Réunion qui a laissé de sombres souvenirs liés à
l’exploitation de son domaine, avant de devenir après sa disparition, une
figure malfaisante du folklore local.
Le terme de mosaïque convient
aux autres éléments qui assurent le lien entre ces deux réalisations, tout en
gardant en mémoire le fait que la baignoire précitée a été réalisée à partir de
morceaux de céramique polis par la mer, récupérés sur la plage de Terre Sainte.
Des blocs de marbre plus ou moins fracassés (Rendez-vous), des pierres
du Lubéron et des Cévennes posées sur des planches en bois à roulettes (Inertie),
de petits objets disséminés complètent un dispositif qui évoque et invoque des
présences fantomatiques. Des vidéos contribuent aussi à ancrer une présence familiale
lors d’une promenade dans un paysage volcanique.
Sur une grande fragilité,
se clôt l’exposition avec des pièces en verre posées sur des parpaings évidés, des
contenants potentiels de parfums vénéneux, des reproductions de chaînes
d’esclaves prêtes à se briser, et des compositions multiples qui créent un univers
très questionnant dans une approche mondialisée. Si le contemporain a partie
liée avec un passé toujours à fleur de peau, ne pourrait-on évoquer une potentielle
réunion ?
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