Exposition « Souffler de son souffle »
Avec Marina Abramovic & Ulay, Vito Acconci,
Jean-Marie Appriou, Carlotta Bailly-Borg, Frank Bowling, Tracey Emin, Markus
Döbeli, Hans Haacke, Francis Hallé, Hans Hartung, Hokusai, Rebecca Horn, Asger
Jorn, Jutta Koether, Piero Manzoni, Kristin Oppenheim, Giuseppe Penone, Joyce
Pensato, Vivian Springford, Vivian Suter, Andra Ursuta, Chloé Vanderstraeten,
Vincent Van Gogh, Gil Joseph Wolman et Wols.
Fondation Vincent van Gogh, Arles
Du 27 novembre 2021 au 1er mai 2022
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Jean-Marie Appriou. Le Sonneur. 2021. |
Inspirez et soufflez !
Souffler le chaud et le froid. Ici souffler fort
en exposant des œuvres de 26 artistes qui fonctionnent autour de cette thématique,
entre art actuel, contemporain, moderne et Van Gogh en Papillon de nuit
géant (1889). Éole parti à la recherche de son souffle. En ouverture, nous accueille
une sculpture de Jean-Marie Appriou, Le Sonneur (2021) qui armé de sa
cornemuse diffuse des notes imaginaires aux visiteurs en essayant de les
envoûter. Coiffé d’un étrange chapeau en verre, réplique de celui porté par
l’alchimiste dans le film La Montagne sacrée de Jodorowsky, il
appartient à la série Les Apiculteurs et guiderait ainsi les abeilles. Une
sorte d’apparition inattendue se mêlant aux toiles venteuses et vantées de
Vivian Sutter qui se balancent nonchalamment.
Des peintures encore avec celles, tardives, de
Hans Hartung réalisées au pistolet à air comprimé, des œuvres, certaines sur
papier, toujours rares du grand Wols ; une série de Vivian Springford où
les couleurs s’étalent avec finesse pour aboutir à des corolles conceptuelles. A
contrario, Joyce Pensato avec Blue Mickey (1998) impose un style très
« bad painting », contestant ainsi la figure iconique et mondialisée
de la célèbre souris. Sans oublier Tracey Emin et son travail sur l’intime et
l’organique, les effets de matière de Frank Bowling ou encore les lithographies
d’Asger Jorn, aux textes rédigés en phonétique, réalisées en soutien à la
révolte de mai 1968. Au deuxième étage, on découvre False Hope
(2020) d’Andra Ursuta, artiste d’origine roumaine, vivant aux États-Unis. Ses
toiles utilisent une teinture
photoréactive sur velours et présentent les relations troubles existant entre
des scènes d’Halloween, des images acheiropoïètes (non réalisées par une main humaine) liées aux
icônes et des photos
spirites du 19ème siècle. De cette vision à la fois triviale et
fantastique, découle un fort sentiment d’irréalité.
Une vidéo historique signée Marina Abramovic
et Ulay, Breathing In / Breathing Out (1971), comporte un long échange
de souffle entre les deux partenaires, narines bouchées par des filtres de
cigarettes, jusqu’à épuisement, filmé en temps réel ; une réalisation qui pourrait
servir de référence incandescente à l’ensemble de la monstration. Retour à la légèreté
avec une sculpture de Rebecca Horn, fichée en hauteur, Die kleine Sirene
(1990). Elle propose un déroulement de plumes au ralenti où se mêle ravissement
et souffrance liée à l’effort du mécanisme. Lui répond un très aérien Blue
Sail (1965) de Hans Haacke, œuvre de jeunesse, où une mousseline bleue, suspendue
et lestée, ondule grâce à un ventilateur placé en dessous, créant ainsi des mouvements
d’une grande force suggestive. Sans oublier la fascinante installation de
Carlotta Bailly-Borg intitulée Near and ear, a nearer ear, a nearly eerie
ear (2021) avec ses personnages grotesques gravés sur une porte en verre, servant
de passage (interdit) à nos représentations genrées hommes-femmes, sans sexe
apparent mais avec des appendices nasaux démesurés et des langues chercheuses.
Gil J. Wolman (1929-1995), artiste, poète,
cinéaste et théoricien français, un peu oublié, revient depuis quelque temps avec
les rétrospectives consacrées à la galaxie lettriste et son cortège de brouilles.
Son film L’Anticoncept (1951) se trouve projeté sur un ballon-sonde où
alternent le noir et le blanc, tandis qu’une bande sonore utilisant la
technique des mégapneumies, c’est-à-dire les cadences respiratoires, se fait
entendre. Un moment que l’on peut qualifier d’exceptionnel !
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Guiseppe Penone. Ongle. 1993. |
Qui dit souffle évoquera inévitablement Penone
et ses six Soffi de 1978, fameuses outres de terre cuite, mais que l’on
ne verra hélas pas ici. Se trouvent exposés deux dessins préparatoires, dont
l’un comporte une esquisse de l’œuvre évoquée précédemment, tandis qu’au
premier étage s’étale majestueusement une grande œuvre de l’artiste, Ongle
(1993), masse de verre avec des empreintes de mains d’enfant, reposant sur un
lit de feuilles. Le présent le dispute au passé dans le contexte d’une nature
sans cesse revisitée par ses soins. Dans la même pièce, accrochées au mur, de fragiles
papiers de Chloé Vanderstraeten interrogent le corps respirant. Elle pose des
questions sur nous et sur elle-même, au travers de froids graphiques en passe
de devenir sensibles.
Une exposition qui possède donc un sacré souffle grâce à un commissariat tripartite assuré par Mmes Bice Curiger, Julia Marchand et Margaux Bonopera.
Christian Skimao
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