jeudi 2 décembre 2021

Exposition « Souffler de son souffle », Fondation Vincent van Gogh, Arles, 2021

 

Exposition « Souffler de son souffle »

Avec Marina Abramovic & Ulay, Vito Acconci, Jean-Marie Appriou, Carlotta Bailly-Borg, Frank Bowling, Tracey Emin, Markus Döbeli, Hans Haacke, Francis Hallé, Hans Hartung, Hokusai, Rebecca Horn, Asger Jorn, Jutta Koether, Piero Manzoni, Kristin Oppenheim, Giuseppe Penone, Joyce Pensato, Vivian Springford, Vivian Suter, Andra Ursuta, Chloé Vanderstraeten, Vincent Van Gogh, Gil Joseph Wolman et Wols.

Fondation Vincent van Gogh, Arles

Du 27 novembre 2021 au 1er mai 2022

 

Jean-Marie Appriou. Le Sonneur. 2021.

                                Inspirez et soufflez !

 

  Souffler le chaud et le froid. Ici souffler fort en exposant des œuvres de 26 artistes qui fonctionnent autour de cette thématique, entre art actuel, contemporain, moderne et Van Gogh en Papillon de nuit géant (1889). Éole parti à la recherche de son souffle. En ouverture, nous accueille une sculpture de Jean-Marie Appriou, Le Sonneur (2021) qui armé de sa cornemuse diffuse des notes imaginaires aux visiteurs en essayant de les envoûter. Coiffé d’un étrange chapeau en verre, réplique de celui porté par l’alchimiste dans le film La Montagne sacrée de Jodorowsky, il appartient à la série Les Apiculteurs et guiderait ainsi les abeilles. Une sorte d’apparition inattendue se mêlant aux toiles venteuses et vantées de Vivian Sutter qui se balancent nonchalamment.

  Des peintures encore avec celles, tardives, de Hans Hartung réalisées au pistolet à air comprimé, des œuvres, certaines sur papier, toujours rares du grand Wols ; une série de Vivian Springford où les couleurs s’étalent avec finesse pour aboutir à des corolles conceptuelles. A contrario, Joyce Pensato avec Blue Mickey (1998) impose un style très « bad painting », contestant ainsi la figure iconique et mondialisée de la célèbre souris. Sans oublier Tracey Emin et son travail sur l’intime et l’organique, les effets de matière de Frank Bowling ou encore les lithographies d’Asger Jorn, aux textes rédigés en phonétique, réalisées en soutien à la révolte de mai 1968. Au deuxième étage, on découvre False Hope (2020) d’Andra Ursuta, artiste d’origine roumaine, vivant aux États-Unis. Ses toiles utilisent une teinture photoréactive sur velours et présentent les relations troubles existant entre des scènes d’Halloween, des images acheiropoïètes (non réalisées par une main humaine) liées aux icônes et des photos spirites du 19ème siècle. De cette vision à la fois triviale et fantastique, découle un fort sentiment d’irréalité.

  Une vidéo historique signée Marina Abramovic et Ulay, Breathing In / Breathing Out (1971), comporte un long échange de souffle entre les deux partenaires, narines bouchées par des filtres de cigarettes, jusqu’à épuisement, filmé en temps réel ; une réalisation qui pourrait servir de référence incandescente à l’ensemble de la monstration. Retour à la légèreté avec une sculpture de Rebecca Horn, fichée en hauteur, Die kleine Sirene (1990). Elle propose un déroulement de plumes au ralenti où se mêle ravissement et souffrance liée à l’effort du mécanisme. Lui répond un très aérien Blue Sail (1965) de Hans Haacke, œuvre de jeunesse, où une mousseline bleue, suspendue et lestée, ondule grâce à un ventilateur placé en dessous, créant ainsi des mouvements d’une grande force suggestive. Sans oublier la fascinante installation de Carlotta Bailly-Borg intitulée Near and ear, a nearer ear, a nearly eerie ear (2021) avec ses personnages grotesques gravés sur une porte en verre, servant de passage (interdit) à nos représentations genrées hommes-femmes, sans sexe apparent mais avec des appendices nasaux démesurés et des langues chercheuses.

  Gil J. Wolman (1929-1995), artiste, poète, cinéaste et théoricien français, un peu oublié, revient depuis quelque temps avec les rétrospectives consacrées à la galaxie lettriste et son cortège de brouilles. Son film L’Anticoncept (1951) se trouve projeté sur un ballon-sonde où alternent le noir et le blanc, tandis qu’une bande sonore utilisant la technique des mégapneumies, c’est-à-dire les cadences respiratoires, se fait entendre. Un moment que l’on peut qualifier d’exceptionnel !

Guiseppe Penone. Ongle. 1993.


  Qui dit souffle évoquera inévitablement Penone et ses six Soffi de 1978, fameuses outres de terre cuite, mais que l’on ne verra hélas pas ici. Se trouvent exposés deux dessins préparatoires, dont l’un comporte une esquisse de l’œuvre évoquée précédemment, tandis qu’au premier étage s’étale majestueusement une grande œuvre de l’artiste, Ongle (1993), masse de verre avec des empreintes de mains d’enfant, reposant sur un lit de feuilles. Le présent le dispute au passé dans le contexte d’une nature sans cesse revisitée par ses soins. Dans la même pièce, accrochées au mur, de fragiles papiers de Chloé Vanderstraeten interrogent le corps respirant. Elle pose des questions sur nous et sur elle-même, au travers de froids graphiques en passe de devenir sensibles.   

  Une exposition qui possède donc un sacré souffle grâce à un commissariat tripartite assuré par Mmes Bice Curiger, Julia Marchand et Margaux Bonopera.                                                   

                                                                                                                                Christian Skimao

 

 

 

Aucun commentaire: