Exposition « Hantologie II » de Steven Le Priol
CACN, Nîmes
Du 6 juillet au 29 octobre 2022
(fermé au mois d’août)

Steven Le Priol, Substitut n°3, huile sur toile, 146x89 cm, 2022.
Le
vrai, le faux, l’art quoi !
Au fait, l’hantologie, fort déclinée ces temps-ci, c’est quoi ? Cet étrange concept, évoqué sans doute pour la première fois par Jacques Derrida, en 1993, dans Spectres de Marx, avec une forte connotation politique, consiste en des œuvres, matérielles et immatérielles, se construisant avec des traces provenant du passé. On voit que l’art y puise souvent et que l’avant-garde, par exemple, continue à irradier les esprits, même dévoyé par le renouvellement perpétuel du marché. Cette thématique utilisée finement par Steven Le Priol, se décline avec diverses éditions se déroulant chronologiquement, la première à Pamela Artist-run space, la seconde au CACN, la troisième aux archives de Carré d’Art, le tout à Nîmes. Celle qui nous intéresse ici, Hantologie II, fonctionne également en séries comme celles des Répliques, des Hantises et de La perruque mais aussi d’un projet de roman, Substitutions, dont il ne reste que les traces de construction et de la présentation des œuvres d’un artiste inventé, Stéphane Etienne (créé en se souvenant des deux personnages, Bouvard et Pécuchet, du roman éponyme et inachevé de Flaubert). Ce qui fait beaucoup pour un seul homme.
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| Steven Le Priol, Répliques (substituts), huile sur papier, 2022. |
Fan de séries B, d’une pop-culture en passe de devenir Culture et de références en train de se référencer, Steven Le Priol avance à pas comptés dans un univers en pleine mutation. La série des Répliques (substituts), use de la peinture comme d’un medium pour rendre présente des œuvres semblant être des photographies. Ainsi le champ d’intervention plastique qui utilisait, en toute discrétion, la photo comme modèle à la fin du 19ème siècle, se trouve-t-il inversé en ce début du 21ème siècle. Car ce qui est peint ne se voit pas tout de suite et conduit à s’interroger sur le vrai et le faux d’une représentation. La notion de faux-semblant devient donc cardinale comme dans ce portrait de Tintin (en peinture), semblable à une photo du héros de la bande dessinée mais qui en réalité n'est pas vraiment Tintin. Mais à qui donc ressemblera Milou ? Il existe également une interaction entre les différentes figures, mettant ainsi en lumière une multitude de relations et de narrations, vraies ou fausses. La série des Hantises fonctionne avec du papier noir découpé, puis contrecollé sur du carton, et donne vie à d’étranges personnages comme des assassins, des individus peu recommandables, des acteurs plus ou moins connus de films d’horreur, ou encore des collisions visuelles-verbales de mauvais goût. La série de La perruque qui reprend l’expression « faire en perruque » (consistant à travailler pour soi, durant son temps de travail salarié) présente des dessins variés. Pour l’hantologie appliquée, la conservation des peintures murales de présentation de l’ancienne exposition de Mazaccio et Drowilal en témoigne visuellement.
En conclusion, une citation sibylline de
Stéphane Etienne, « Lorient est rouge », extraite de son ouvrage favori,
Le bazar et la cécité, qui hante en partie l’œuvre entêtante de
Steven Le Priol.
Christian Skimao

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