mercredi 28 septembre 2022

Exposition "notre musée", Collection Lambert, Avignon, 2022.

 Exposition « notre musée. Une collection sentimentale. Œuvres de la Collection Lambert & autres objets qui font battre le cœur. »

Collection Lambert (musée d’art contemporain), Avignon.

Du 24 septembre 2022 au 29 janvier 2023.

 

 

Thomas Hirschhorn Sas de contamination (détail), Coll. Lambert, 2022.

                                  Déchaîne ton récit !

 

  D’emblée, l’expérimentation le dispute à la solidarité. Cette exposition, peu banale, qui dans son intitulé même, place le « nous » en tête, exprime le partage au travers d’une action la plus participative possible. Le musée, lieu des conservations, ouvre et s’ouvre aux autres, au travers d’œuvres glanées auprès d’acteurs non professionnels du monde l’art qui se trouvent parfois en situation d’exclusion, d’artistes invités et de Stéphane Ibars en qualité de coordonnateur du projet. Cette monstration s’inscrit dans la programmation du festival C'est pas du luxe et comprend des partenariats avec la Fondation Abbé Pierre et Emmaüs France, pour ne citer que ceux-ci, ainsi que des prêts du Mucem à Marseille et de l’Hôtel Agar à Cavaillon. Les quinze intervenantes et intervenants du groupe curatorial se trouvent à la fois décideurs, prescripteurs et prêteurs d’objets à forte valeur sentimentale et artistique. La frontière des divers rôles muséaux devient ainsi très floue et de nombreuses barrières tombent, supplantées par la force des récits d’accompagnement.


Sabots (Untitled) de Jean-Michel Basquiat (gauche) et Galoches familiales de Bernie Marie (droite), Coll. Lambert, 2022.

  Une circulation sinueuse entre les étages commence par le Sas de contamination (2000) de Thomas Hirschhorn, installation en forme de couloir au plafond grillagé, composée d’œuvres peintes et d’objets divers, bardés de chaînes, brouille les repères entre art et réalité. 22 ans après sa première présentation pour l’ouverture de la Collection, elle se trouve réactivée et restaurée, pour remplir à nouveau son rôle symbolique et tangible de passage. Ensuite, des galoches familiales sélectionnées par Bernie Marie cohabitent dans une vitrine avec des sabots en bois pyrogravés par Jean-Michel Basquiat (1988) en un questionnement saisissant. Une valise familiale de 1987, d’origine italienne, de Pascal Fra cohabite avec une grande peinture de Miquel Barceló intitulée Ahab (1984), les deux symbolisant le déplacement et la migration. Un boubou à rituels de Côte d’Ivoire apporté par Marie-Laure Geuffroy se tient en regard avec Les Reines de France (2001) d’Anselm Kiefer, dialogue entre les continents et les mémoires. Des bagues « calaveras », d’origine mexicaine, avec des motifs de têtes de mort, appartenant à Fabrice Casimir, cohabitent avec une photographie de Nan Goldin, Fatima Candles, Portugal (1998), en un rituel immémorial. De même une radio faisant également office de lecteur de cassettes de 1989, de Tanger, permet d’écouter Oum Kalthoum. Un filet de voix de la grande chanteuse semble provenir de l’au-delà en raison de l’usure de l’appareil. C’était la chanson préférée de la mère de Mohamed El Khatib, le seul souvenir qui lui en reste. En parallèle, dans l’autre pièce, se trouve une aérienne installation nommée Oasis (2008) de Zilvinas Kempinas. Au travers de ces quelques exemples de mise en scène, l’évanescence, la mémoire, l’émotion et la dignité se trouvent donc au rendez-vous. Le public, devenu plus que spectateur, y apportera une touche nouvelle, toujours renouvelée par un fort sentiment d’appartenance au genre humain.

 

                                                                                                                            Christian Skimao

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