mardi 18 octobre 2022

Gerard & Kelly, Rosalind Nashashibi, Carré d’Art, Nîmes, 2022-23

 Expositions

Gerard & Kelly « Ruines »

&

Rosalind Nashashibi « Monogram »

Carré d’Art-Musée d’art contemporain, Nîmes

Du 14 octobre 2022 au 26 mars 2023

 

 

Gerard & Kelly, Schindler/Glass, 2017 HD Vidéo HD. Vue de l’installation : Seattle Art Fair et Frye Art Museum, 2017.

                Un tourbillon de présences et d’absences


   Gerard & Kelly, duo composé de Brennan Gerard et Ryan Kelly, créateurs américains, propose un travail très construit, rigoureux et néanmoins plein de surprises. Avec le projet Modern Living, les artistes interrogent les corps habitants et les corps habités avec l’architecture des lieux. Si les chorégraphies, très sensuelles narrent une histoire, des gestes liés aux nombres et à leur énumération silencieuse, introduisent une rythmique différente. Il existe plusieurs niveaux de langage dans ces corps souples, masculins et féminins qui définissent une nouvelle « Carte du Tendre », non genrée et non normée. Ils sont ainsi intervenus dans la Schindler House, construite entre 1921-22 pour deux couples s’essayant à une vie communautaire, à West Hollywood en Californie et dans la Glass House, bâtie en 1949 par Philip Johnson pour y habiter avec son partenaire David Whitney, dans le Connecticut. Paradoxalement, ce qui est clair n’est pas toujours visible pour les autres ; à leur époque, ces architectes ont expérimenté de nouvelles possibilités d’habitat avec la foi des pionniers de la modernité. Guidés par une volonté de recherche d’un art de vivre autre, ils ont essayé de faire coïncider une pensée alternative et sa réalisation concrète. En intervenant de façon contemporaine dans ces logis « extraordinaires » par le biais de performances, Gerard & Kelly bouscule les codes en offrant une nouvelle jeunesse au « génie du lieu », tout en y introduisant des problématiques personnelles et sociétales d’aujourd’hui. Une autre vidéo, Panorama, montre une performance réalisée à la Bourse de Commerce, à Paris, haut lieu de la Collection Pinault. Trois performers évoquent les temps révolus du colonialisme, d’après des représentations de 1889, conservées sur la rotonde du haut. Jouant avec les codes actuels de la dénonciation, mais aussi avec une parodie de la mise en scène du cinéma et de la mode, le résultat apparaît comme très politique et très réjouissant. Enfin, pour les curieux, une installation spéciale pour Nîmes, sise dans une petite pièce qui reprend la maquette de la Maison Carrée réalisée pour construire le Capitole de Richmond en Virginie. Avec une relecture de l’histoire montrant que la blancheur des façades cache parfois la noirceur des esclavagistes.


Rosalind Nashasnibi, Monogram, 2022 Huile sur lin, 90 x 60 cm. Courtesy GRIMM Amsterdam / New York 

  Rosalind Nashashibi, d’origine palestinienne et nord-irlandaise, vit à Londres. Elle présente une vidéo Denim Sky (réalisée entre 2018 et 2022) où elle questionne les relations interpersonnelles dans les groupes et la non-linéarité du temps à l’heure actuelle. Elle apparaît dans le film avec ses enfants et ses amis. De nombreuses peintures parsèment l’espace d’exposition et interrogent la notion de monogramme, cet emblème qui se compose de plusieurs lettres dans un même dessin. Il peut aussi représenter une personne, une entité, un groupe de personnes, une symbolique particulière ou une signature. La créatrice le considère dans un sens beaucoup plus vaste, puisqu’il irrigue des peintures avec des sujets variés dont l’énigme demeure intacte malgré quelques références lisibles comme dans Monogram (2022) ou The Golden Age siglée DEGAS. Se trouvent aussi présents des signes voulus représentatifs, mais de quoi ? L’artiste ne compte guère nous éclairer là-dessus, obligeant chacune et chacun à explorer ses propres labyrinthes. La banalité se conjugue avec des références à l’histoire de l’art dans ses peintures terriblement spontanées. Le vrai, le faux, l’art des enfants, les débuts et les non-achèvements constituent donc de potentielles pistes exploratoires.

 

                                                                                                                                                         Christian Skimao 

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