Exposition « Même dans la pénombre, je chante encore »
Sélection d’œuvres de la 34ème Biennale de São Paulo » (Brésil) : Victor Anicet, Zózimo Bulbul, Seba Calfuqueo, Manthia Diawara, Jaider Esbell, Noa Eshkol, Naomi Rincón Gallardo, Carmela Gross, Sueli Maxakali, Gala Porras-Kim, Alice Shintani, Amie Siegel, Regina Silveira, Daiara Tukano.
LUMA Arles, aux Forges.
Du 16 décembre 2022 au 5 mars 2023
Un certain Brésil, entre influences et confluences
Avec cette sélection d’œuvres de 14 artistes provenant de sept pays différents, présents à la 34ème Biennale de São Paulo, la LUMA, à Arles, participe à la diffusion physique et intellectuelle d’un évènement mondialisé. Reprenant un vers du poète brésilien Thiago de Mello, Faz escuro mas eu canto (Même dans la pénombre, je chante encore), les organisateurs ont voulu présenter la diversité des démarches, comprenant la défense et l’illustration de la nature, des minorités, des orientations sexuelles, …bref ce qui nous interroge, du moins ceux et celles qui veulent bien y contribuer, ici, maintenant, et sur toute la planète.
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| Carmela Gross, Boca do Inferno, 2020, vue partielle avec public, LUMA, Arles, 2022. |
Sur un grand mur, à l’entrée des Forges, se trouve une œuvre monumentale de Carmela Gross intitulée Boco do Inferno (La Bouche de l’Enfer), composée de 150 monotypes. Elle utilise des images de volcans puis réalise de très nombreuses esquisses à l’encre de Chine. Elle applique ensuite la peinture directement sur des plaques de métal et laisse agir les matériaux lors de l’impression. Il s’agit donc d’un champ opératoire où le travail et le hasard tiennent tous deux une grande place, sans oublier la dimension protestataire de l’ensemble. Les céramiques de Victor Anicet (né en Martinique) semblent lui répondre, mais de façon plus discrète, du moins en ce qui concerne la taille, car l’artiste demeure un important créateur des Antilles. Ayant découvert dans sa jeunesse la céramique du peuple des Arawaks, il va s’inscrire dans la défense d’une esthétique caribéenne. Ami d’Édouard Glissant, il a réalisé une œuvre pérenne sur sa tombe. Le rapport entre la violence des temps esclavagistes et la beauté formelle de ses réalisations constitue une part importante de ses recherches. Regina Silveira, artiste historique brésilienne, nous propose des travaux optiques de la série Dilatáveis, où partant d’images issues de la presse, de généraux, hommes d’affaires ou de politiciens, elle les prolonge d’ombres disproportionnées qui nous entraînent dans un univers fantastique inattendu. Si la dénonciation des scandales demeure essentielle, la construction générale qui rappelle indirectement le formalisme russe ou encore l’agit-prop demeure extrêmement puissante. Enfin les peintures éclatantes d’Alice Shintani, de la série Mata, font revivre la faune et la flore amazonienne au travers de cadrages spécifiques, d’un changement d’échelle et d’un fond noir, s’éloignant radicalement des représentations classiques de la botanique.
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| Amie Siegel, Asterisms, 2020, Thomas Dane Gallery. |
Passons aux images qui bougent, avec une fort intéressante vidéo de Seba Calfuqueo (Chili), Alka Domo, qui interroge ses origines mapuches et les pratiques machistes de la société chilienne. Dans diverses séquences, l’artiste pose dans la rue, dans un marché, etc. et se tient debout portant une sorte de tronc évidé (référence traditionnelle) tout en arborant des chaussures féminines de couleurs différentes à chaque séance. Cette immobilité « provocante » déclenche parfois des quolibets ou même des insultes. La reprise des techniques d’un art se déroulant directement dans la rue, issu en grande partie des recherches des années 1970, trouve ici un nouveau champ d’intervention. L’artiste et chercheuse Naomi Rincón Gallardo avec Resiliencia Tlacuache étudie les procédures d’expropriation à l’œuvre dans l’État de Oaxaca au Mexique. Elle se sert des légendes anciennes pour mettre en lumière la violence actuelle. S’inscrivant elle aussi dans une résistance à l’ordre dominant elle utilise souvent la musique ou plutôt des musiques de toutes provenances. Amie Siegel, artiste américaine (USA) propose Asterisms, œuvre filmée qui met en relation des narratifs complémentaires et contradictoires se déroulant dans les Émirats arabes unis. La forme générale reprend le terme d’astérisme (en français) qui représente une figure remarquable dessinée par des étoiles particulièrement brillantes. Cette métaphore entre le ciel et les histoires terrestres ouvre donc des perspectives nouvelles.
Ces morceaux de choix donnent une idée de l’envergure de la Biennale de São Paulo. L’ouverture voulue sur le Brésil et ses composantes multiples, excède fortement ce pays puisque cette manifestation tient compte des Amériques au sens le plus large. Cette créolisation des pratiques se joint à un nouvel enracinement dans le cadre d’une contemporanéité en marche.
Christian Skimao
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