Exposition Immortelle (Vitalité de la jeune peinture figurative française)
À Montpellier, dans deux lieux
MO.CO. (Hôtel de Montcalm) du 11 mars
au 4 juin 2023
MO.CO. La Panacée du 11 mars au 7 mai
2023
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| Nazanin Pouyandeh "Nu au mimosa", 2020. Huile sur toile 130 x 162 cm. Collection privée. Crédit photo: Nazanin Pouyandeh / Galerie Sator Nazanin Pouyandeh, © Adagp, Paris, 2023 |
Figurez-vous
que la figuration y figure encore…
Avec cette exposition manifeste, Numa Hambursin a opté, nous le citons, pour une « exposition de combat » où les polémiques vont déjà bon train. Soit 350 œuvres créées par 122 artistes prennent place dans deux lieux institutionnels dévolus à l’art contemporain, à Montpellier. Deux co-commissaires l’accompagnent dans ce périple rétinien, Amélie Adamo en tant que curatrice invitée et Anya Harrisson en tant que curatrice permanente au MO.CO.
Ces faits énoncés, nous trouvons-nous dans une guerre entre Anciens et Modernes, comme le milieu de l’art aime les mimer (en se posant d’ailleurs la question de savoir qui est dans quel camp) ou bien nous situons-nous dans une réflexion plus large d’un certain retour à la figuration ? De toutes façons ce phénomène existe partout dans le monde et répond à certains impératifs liés à l’air du temps, aux effets de mode, à la lassitude face aux écrans, aux choix personnels et respectables des artistes, enfin à une continuité picturale présente depuis la nuit des temps dans l’histoire humaine.
L’ensemble de la monstration apparaît comme extrêmement éclectique et en faire le tour semble impossible. Dans ce cas, l’axiome utilisé par Roland Barthes du « j’aime/je n’aime pas », s’il s’avère toujours utile, demeure en réalité totalement injuste. Hors classification de dates de naissance et dans un désordre joyeux, commençons avec Apolonia Sokol et ses peintures à la fois héroïques et questionnantes sur notre société. Se mettant souvent en scène dans des allégories de tous ordres, elle opte pour une déconstruction mentale soutenue par un formalisme éclectique comme dans son triptyque recto-verso, The Cure. Pour Nazanin Pouyandeh, il s’agit de représenter en réinterprétant l’histoire de l’art, jouant avec détails et références. Cette approche cultivée et pourtant contestatrice, emprunte indirectement à la tradition de la miniature persane, même dans ses grands formats. D’autres artistes comme Thomas Lévy-Lasne interrogent les grands maîtres, mais en opérant un déplacement sociétal comme avec Devant Courbet (2011) ; il en va de même avec Abel Pradalié qui s’empare à son tour de Manet avec Après déjeuner, Bazille, Manet, Corot et Chloé (2021) tout en convoquant Vincent Bioulès dans son approche technique.
Le vol de l’aéronef
(2020) d’Antoine Roegiers alimente une quête onirique proche des chromos
anciens. Son dirigeable jaune stylisé offre une ouverture vers un ailleurs
improbable qui dissimule une angoissante sérénité. Stephan Pencreac’h continue
ses recherches sur un fantastique très sarcastique où règne souvent la
démesure. Pourtant, son œuvre mémorielle autour des attentats parisiens de 2015
semble par trop liée à l’actualité et ne lui permet pas, paradoxalement, ses
excès habituels. Un clin d’œil aux peintures de Fabien Boitard qui poursuit son
exploration d’un réel très narré et très décalé avec Martin ou Mange tes
morts (2015), sorte d’anniversaire hanté, tandis que Les baigneurs
de Gaétan Vaguelsy (2023) continuent à poser pour l’éternité, entre trivialité
et grandeur. Ida Tursic et Wilfried Mille dynamitent le bon goût, comme
d’habitude, avec cette délicieuse pochade Grand Siècle (Fragonard ?),
Jeune fille vidant le contenu (2021), où cette dernière, en grande
barbouille ovale, vide le contenu d’une canette de bière (Heineken ?) sur
elle-même.
Pour terminer, une œuvre remarquable de Youcef Korichi, son Jaspers Johns (2020), un polyptyque en quatre volets qui propose quatre représentations possibles du grand artiste américain. Reconnaissable sur les parties extérieures, sa figure se dilue dans la gestualité de la peinture au centre. Une sorte de mouvement interne qui balaie le réalisme pour aboutir par cette répétition même à un unique possible, celui de la Peinture.
Il n’est guère facile de définir ce que
représente la figuration française à l’heure actuelle. Dans notre contemporain,
tout se dilue, tout flotte, tout se répand, tout se perd, aboutissant à une intense
interrogation sur le recyclage. Finalement, le nu qui descendait l’escalier, ne
risquait-il/elle pas de glisser à son tour dans le gouffre des évidences ?
Christian
Skimao


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