mardi 25 juin 2024

Exposition "Descente au Paradis" de Kader Attia , MO.CO. Montpellier, 2024

Kader Attia, "Culture, Another Nature Repaired", vue partielle, MO.CO., Montpellier ,2024.

 

Exposition Descente au Paradis de Kader Attia

MO.CO. Montpellier

Du 22 juin au 22 septembre 2024

 

 

 

                               Les cieux sous la terre

 

  En fonction de l’énigmatique agencement des lieux de l’Hôtel de Montcalm (MO.CO.) qui oblige à commencer les visites par le haut et à les achever par le bas, Kader Attia a mis en place un dispositif « inversé ». Le Paradis se trouve donc au sous-sol, l’Enfer au rez-de-chaussée, enfin le Purgatoire se situe auuu premier étage. L’artiste français, d’origine algérienne, réinterprète ainsi les structures complexes de la Divine Comédie de Dante Alighieri.

 

  Une série de photographies nommées « Rochers carrés » ouvre la visite. Elles représentent de jeunes gens à Alger, vus de dos, en train de regarder de l’autre côté de la Méditerranée. Cette symbolique d’un futur (possible ou impossible) se trouve contrebalancée par le seul protagoniste qui lit un journal, avide de nouvelles locales. Une vidéo « Oil and Sugar #2 » montre un cube composé de morceaux de sucre blanc sur lequel se répand du pétrole noir. Peu à peu, tout s’assombrit, le sucre s’effondre tandis que le pétrole s’impose. Cette désintégration d’un monde, le nôtre, prend toute sa force avec le changement d’échelle puisque les petits morceaux semblent des blocs de pierre et que le supposé grand édifice finit en bouillie noirâtre.

Kader Attia, "Rochers carrés", série photographique, 2008. MO.CO. Montpellier,2024.

 

  Le Purgatoire propose diverses œuvres dont une composition à la fois triviale et mystique, « Halam Tawaff », où des canettes de bière vides représentent les comportements addictifs de l’être humain qui le conduisent dans un cercle infernal. Passons aux Enfers avec « Culture, Another Nature Repaired ». Des bustes en bois taillés à la hache par l’artiste reprennent des images de soldats de La Première Guerre mondiale. Ces blessures convoquent à la fois le primitivisme et l’expressionnisme dans l’histoire des arts et la possible réparation actuelle. On trouvera ensuite des arbres composés de lance-pierres et une installation de bâtons de pluie en mouvement cyclique. Entre pensée révolutionnaire et apaisement de l’âme lié aux sonorités bienfaisantes s’ouvre un nouveau décor. Le Paradis, situé dans ce sous-sol de l’institution, dont le caractère chthonien frappe à chaque visite. C’est dans ce lieu paradoxal que Kader Attia propose sa vaste monstration avec un film, Pluvialité # 1, tourné dans diverses localités du nord de la Thaïlande. Il est question d’un corps de jeune homme possédé par un esprit féminin. Il tombe malade en résistant, en l’acceptant il renaît. La mise en rapport des architectures, de la nature foisonnante et de la pluie omniprésente, crée les conditions de cette mise en images d’une trans-formation. Aux divers coins de la salle interne de projection, des masques recouverts d’éclats de miroirs, nommés Mirrors and Masks, nous défient dans nos certitudes, totems et tabous d’un ancien art occidental.

 

  Ressentons-nous du désenchantement, de la désillusion ou une potentielle résurrection ? À chacune et chacun de traverser les différents cercles (ou étages) de cette Comédie et d’éprouver le monde qui bouge.

                                                                                                                                                           Christian Skimao


 

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