Exposition
Jean-Claude Gautrand
Libres
expressions
Musée
Réattu, Arles
Dans
le cadre des Rencontres de la photographie / Arles Associé 2024
Du 29 juin au 6 octobre 2024

Jean-Claude Gautrand, Gazoville, 1966. Exposition musée Réattu, Arles,2024.
Une figure photographique engagée
Jean-Claude Gautrand
(1932-2019), figure « tranquillement » légendaire des Rencontres de
la Photographie, mérite amplement cette mise en lumière de ses multiples talents.
Il a mis son énergie au service de cette pratique, comme créateur, comme acteur
et archiviste du Festival pendant 50 ans ou encore comme historien de la photo
(monographies sur Robert Doisneau, Brassaï, ou encore Willy Ronis, tout en
travaillant conjointement aux PTT. Il a ainsi élargi grandement son horizon tout
en gardant au fond de lui une révolte intacte.
Otant pour un travail sériel, dans l’optique
d’Otto Steinert (1915-1978) sur la photographie subjective, il se lance dans
une mise en lumière de la destruction des halles parisiennes avec L’Assassinat
de Baltard (1972). Pris dans le mouvement post-68 de la contestation des
institutions, la décision de détruire ce lieu symbolique du « ventre de Paris »
pour le rebâtir à Rungis avait fortement mobilisé l’opinion. Un seul pavillon échappera
à la destruction, le pavillon Baltard remonté à Nogent-sur-Marne. Dans
cet état d’esprit, Bercy. La dernière balade (1993) s’inscrit dans une
nostalgie pour ce monde des entrepôts du commerce des vins qui allait faire
place à un parc commercial et de loisirs, « Bercy Village ».
L’ouvrage Forteresses du dérisoire
(1977) montre les blockhaus nazis de la Deuxième Guerre mondiale en train de se
déliter sur les plages de France et de retourner à leur fonction de simple présence
dans le paysage. Cette utilisation de la notion de ruine, joue à la fois sur
l’idée de dérisoire, concernant les restes de cet empire voulu pour mille ans
et la lente désintégration de ses symboles. Les photographies de Gautrand nous
offrent ici une grande leçon d’humilité au travers d’un noir et blanc qui ne
manque pas de caractère. Sans oublier son approche émouvante du Camp de Natzwiller-Struthof
(1996) ; rappelons qu’il s’agit d’un camp de concentration et
d’extermination en Alsace-Moselle annexée- temporairement- par le Reich. Cette
dimension politique honore grandement le photographe qui parvient à montrer l’horreur
du crime au travers du charme apparent du paysage, mélangeant ainsi deux
notions antagonistes avec un grand sens de la composition.
Remarquons également un travail formaliste qui
s’inscrit dans un relecture personnelle des prouesses techniques des Trentes
Glorieuses, les séries Métalopolis
et Gazoville dans les années 1960. La force du noir et blanc se
met au service de la pureté des lignes. Ainsi
la stylisation des formes débouche sur une abstraction photographique de grande
qualité.
Christian Skimao
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