dimanche 7 juillet 2024

Exposition Jean-Claude Gautrand, musée Réattu, Arles, 2024

 

Exposition Jean-Claude Gautrand

Libres expressions

Musée Réattu, Arles

Dans le cadre des Rencontres de la photographie / Arles Associé 2024

Du 29  juin au 6 octobre 2024

 

 

Jean-Claude Gautrand, Gazoville, 1966. Exposition musée Réattu, Arles,2024.

 

                    Une figure photographique engagée

 

 

 Jean-Claude Gautrand (1932-2019), figure « tranquillement » légendaire des Rencontres de la Photographie, mérite amplement cette mise en lumière de ses multiples talents. Il a mis son énergie au service de cette pratique, comme créateur, comme acteur et archiviste du Festival pendant 50 ans ou encore comme historien de la photo (monographies sur Robert Doisneau, Brassaï, ou encore Willy Ronis, tout en travaillant conjointement aux PTT. Il a ainsi élargi grandement son horizon tout en gardant au fond de lui une révolte intacte.

 

  Otant pour un travail sériel, dans l’optique d’Otto Steinert (1915-1978) sur la photographie subjective, il se lance dans une mise en lumière de la destruction des halles parisiennes avec L’Assassinat de Baltard (1972). Pris dans le mouvement post-68 de la contestation des institutions, la décision de détruire ce lieu symbolique du « ventre de Paris » pour le rebâtir à Rungis avait fortement mobilisé l’opinion. Un seul pavillon échappera à la destruction, le pavillon Baltard remonté à Nogent-sur-Marne. Dans cet état d’esprit, Bercy. La dernière balade (1993) s’inscrit dans une nostalgie pour ce monde des entrepôts du commerce des vins qui allait faire place à un parc commercial et de loisirs, « Bercy Village ».

 

  L’ouvrage Forteresses du dérisoire (1977) montre les blockhaus nazis de la Deuxième Guerre mondiale en train de se déliter sur les plages de France et de retourner à leur fonction de simple présence dans le paysage. Cette utilisation de la notion de ruine, joue à la fois sur l’idée de dérisoire, concernant les restes de cet empire voulu pour mille ans et la lente désintégration de ses symboles. Les photographies de Gautrand nous offrent ici une grande leçon d’humilité au travers d’un noir et blanc qui ne manque pas de caractère. Sans oublier son approche émouvante du Camp de Natzwiller-Struthof (1996) ; rappelons qu’il s’agit d’un camp de concentration et d’extermination en Alsace-Moselle annexée- temporairement- par le Reich. Cette dimension politique honore grandement le photographe qui parvient à montrer l’horreur du crime au travers du charme apparent du paysage, mélangeant ainsi deux notions antagonistes avec un grand sens de la composition.

 

  Remarquons également un travail formaliste qui s’inscrit dans un relecture personnelle des prouesses techniques des Trentes Glorieuses, les séries Métalopolis  et Gazoville dans les années 1960. La force du noir et blanc se met au service de la pureté des lignes.  Ainsi la stylisation des formes débouche sur une abstraction photographique de grande qualité.

 

                                                                                                                                                 Christian Skimao

 

 

 

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