Double
exposition Jean Hugo
« Le
regard magique », musée Fabre, Montpellier
Du 28 juin
au 13 octobre 2024
« Entre ciel et terre », musée Paul Valéry,
Du 29
juin au 13 octobre 2024
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| Jean Hugo, "Les Centaures", 1929, exposition Musée Fabre, Montpellier, 2024. |
Les diverses voies
créatrices de Jean Hugo
A Montpellier se tient le premier volet de
cette grande exposition Jean Hugo. D’emblée, signalons l’énorme travail de
contextualisation des œuvres opéré par Michel Hilaire et Florence Hudowicz.
Depuis la naissance de Jean Hugo dans une grande famille ouverte aux arts
jusqu’aux années folles (les années 20 du 20ème siècle) avec
Apollinaire et Cocteau, et l’ouverture au Surréalisme par le biais de sa femme,
Valentine Gross, devenue Hugo, se met en place une approche conceptuelle et
esthétique sans laquelle l’artiste éclectique ne serait pas devenu le peintre
inspiré. La Grande Guerre a beaucoup marqué Hugo, comme tous les jeunes gens de
sa génération avec les fins d’un rêve européen de paix et de prospérité (certes
teinté d’un violent impérialisme à l’égard du reste du monde) et d’une
boucherie annonciatrice d’un deuxième round. La série des trois paravents exposés
La Mythologie (entre 1925 et 1928) pourrait traduire cette transition
avant d’arriver à cette toile étonnante et syncrétique, mélange entre paysans locaux
et divinités antiques, Les Centaures (1929). L’essentiel ici est de
découvrir les influences diverses qui sous-tendent sa production, au début très
ouverte avec les décors de théâtre, costumes de scène, etc. jusqu’à sa
recherche dans l’espace privilégié du tableau, après 1929. La crise économique
mondiale semble rejoindre la crise existentielle de Jean Hugo et le conduit à
adopter un catholicisme salvateur, voir L’imposteur (1931). La poésie
d’Ovide trouve sa place dans une réinterprétation plastique des Métamorphoses
(1929). L’influence de maîtres se fait jour avec des artistes anciens comme
Pierro della Francesca et Nicolas Poussin ou des contemporains comme Roger de
La Fresnaye, Pablo Picasso, Le Douanier Rousseau, Fernand Léger, Léopold
Survage ou Giorgio de Chirico. Jean Hugo, autodidacte, s’en empare, les digère
et les réintègre dans sa propre création.
À
Sète, deuxième étape du voyage hugolien, saluons l’approche originale de
Stéphane Tarroux et d’Ingrid Junillon qui proposent des œuvres plus tardives de
l’artiste. On retrouve des paysages, baignés de cette lumière âpre et
languedocienne qui aurait des similitudes avec celle de la Grèce, une sorte de
plongée mythologique basée sur une ruralité aujourd’hui presque insaisissable ;
la stylisation générale des lieux et des personnages offre un caractère, en
apparence naïf, mais qui dissimule une intemporalité certaine avec aussi une
inquiétude sous-jacente, comme La Défonceuse (1956). La notion de voyage
y trouve également sa place avec des tableaux anglais comme Chesilton en
Angleterre (1959) ; notons l’importance de l’Angleterre pour Jean Hugo
qui va épouser Lauretta Hope-Nicholson, citoyenne britannique, en 1949, et avec
qui il aura sept enfants. Pour l’Exposition universelle de Montréal en 1967,
Jean Hugo va travailler sur divers pays dont la Tunisie est le seul qu’il
connaît. Une façon de porter un regard universel en gardant une forte nostalgie
d’un monde passé puisque le programme s’intitule Paysages du monde d’avant
la civilisation industrielle. Le Mas de Fourques, près de Lunel, demeure
pour lui un lieu d’ancrage et d’active méditation sur le monde. La série des Porteuses
de paysage (1979), montre une extrême stylisation liée à cette narration
sous-jacente et permanente d’un monde différent, à la fois semblable au nôtre, mais
pas entièrement. Enfin quelques grands formats de Vincent Bioulès servent d’illustration
à la relation forte entretenue entre les deux créateurs, d’une génération
différente mais complices.
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| Jean Hugo, "Les Porteuses de paysage",1979, exposition Musée Paul Valéry, Sète, 2024. |
Un voyage muséal à travers le temps et la
peinture qui présnete des aspects inattendus de l’artiste dans ce 20ème
siècle si tourmenté. Une écologie du regard également, paradoxalement en avance
sur l’époque moderniste des Trente Glorieuses qui allait essayer de détruire tous les génies du lieu.
Christian Skimao
Christian Skimao


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