Rétrospective Judy Chicago
Herstory
LUMA, Le Magasin Electrique, Bloc A, Arles
Eté
2024

Judy Chicago, installation autour de The Dinner Party (1974-79), vue partielle, LUMA Arles, 2024
Femmes, fumées et
flamboyances
Une rétrospective Judy Chicago, présentée au New
Museum de New York en 2023, se retrouve à la LUMA, sous une forme repensée et
élargie. La première image qui m’apparaît lorsque l’on évoque cette grande
artiste est la fameuse vidéo Women and Smoke, California (1972), une
série de performances exécutées en Californie. Combinant des corps féminins colorés
avec des bombes fumigènes, elle crée des scènes qui évoquent d’antiques rituels
de déesses. On retrouve ici des photographies de la série Atmospheres
(1969) qui mettent en lumière les débuts radicaux jusqu’à sa maîtrise à grande
échelle de ses sculptures de fumée, immatérielles, semblable à la commande immersive
passée par la LUMA, An Homage to Arles, réalisée en direct le 1er
juillet 2024.
L’exposition ouvre sur Autobiography of a
Year (1993-94), soit 140 dessins jetés à la hâte pour exprimer ses
doutes, son désarroi, mais aussi sa combativité face au monde. Des œuvres de
jeunesse qui datent de sa période minimale, très colorée, comme Rainbow
Pickett (1965) ne manquent pas d’allure, à l’époque comme aujourd’hui.
Mais l’artiste ne pouvait se contenter de faire simplement partie d’un
mouvement artistique, dominé par les hommes, préférant explorer une voie/voix
plus féministe. La Feather Room (1966), créée avec Lloyd Hamrol et Eric
Orr, ici reconstituée, œuvre importante dans la carrière de l’artiste, propose
un univers féminin en opposition au masculin. Cette pièce, remplie de plumes
agit en contrepoint des lignes dures, met en avant son caractère ludique ainsi
que la notion d’environnement.
Dans un cadre beaucoup plus majestueux, l’hommage
aux femmes arrive avec The Dinner Party (1974-1979) bien que nous n’ayons droit qu’à une
photographie et non pas au monument réel, qui se trouve au Brooklyn Museum. Une
table triangulaire d'environ quinze mètres de côté, avec un total de
trente-neuf couverts, chacun commémorant une femme importante de l'Histoire. De
nombreux autres objets symboliques s’y trouvent comme des serviettes,
ustensiles de cuisine, verres, gobelets, un chemin de table brodé. Des
papillons et des formes vulvaires apparaissent également. Cette
« table » revêt un caractère cérémoniel et nous renvoie également du
côté d’un mausolée revendicatif pour le futur. Le ludique des origines penche désormais
du côté de la gravité. La réception en a été fort mouvementée et Judy Chicago va
se trouver une fois de plus en butte à de nombreuses réflexions critiques souvent
partisanes et négatives.
Au fil des
années, des œuvres plus sombres apparaissent comme The End : A
Meditation on Death and Extinction (2012-2018). L’artiste médite à la
fois sur la mort et la destruction de la vie à l’échelle planétaire, mais aussi
sur sa propre disparition. Ces œuvres se trouvent réalisées avec des images
figuratives et des techniques plus traditionnelles comme la peinture sur verre
noir et des reliefs humains et non-humains qui s’inscrivent dans la tradition
des gisants. Le côté poignant de l’ensemble touche énormément ainsi que son
appel à la résilience qui transparait ici.
![]() |
| Judy Chicago, Autobiography of a Year (1993-94), vue partielle, LUMA arles, 2024 |
Judy Chicago a participé aux divers courants
artistiques novateurs de son temps, seule ou avec d’autres. L’affirmation de sa
singularité n’a pas été aisée, mais sa force de conviction a réussi à bousculer
bien des réticences. Il semble évident que les recherches actionnistes du début
et le côté beaucoup plus institutionnel des oeuvres actuelles nous questionne. Si
le monde artistique la situe comme une référence incontournable, une partie de
la jeune génération la critique à cause de ses liens avec le monde de la mode (cf.
The Female Divine dont les bannières seules se trouvent exposées
ici). Les réalisations artistiques n’échappent jamais aux polémiques, même si
les attaques proviennent d’un autre bord.
Christian Skimao

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