vendredi 19 juillet 2024

Rétrospective Judy Chicago, LUMA Arles, 2024

 

Rétrospective Judy Chicago

Herstory

LUMA, Le Magasin Electrique, Bloc A, Arles

Eté 2024

 

Judy Chicago, installation autour de The Dinner Party (1974-79), vue partielle, LUMA Arles, 2024

 

                 Femmes, fumées et flamboyances

 

  Une rétrospective Judy Chicago, présentée au New Museum de New York en 2023, se retrouve à la LUMA, sous une forme repensée et élargie. La première image qui m’apparaît lorsque l’on évoque cette grande artiste est la fameuse vidéo Women and Smoke, California (1972), une série de performances exécutées en Californie. Combinant des corps féminins colorés avec des bombes fumigènes, elle crée des scènes qui évoquent d’antiques rituels de déesses. On retrouve ici des photographies de la série Atmospheres (1969) qui mettent en lumière les débuts radicaux jusqu’à sa maîtrise à grande échelle de ses sculptures de fumée, immatérielles, semblable à la commande immersive passée par la LUMA, An Homage to Arles, réalisée en direct le 1er juillet 2024.

  L’exposition ouvre sur Autobiography of a Year (1993-94), soit 140 dessins jetés à la hâte pour exprimer ses doutes, son désarroi, mais aussi sa combativité face au monde. Des œuvres de jeunesse qui datent de sa période minimale, très colorée, comme Rainbow Pickett (1965) ne manquent pas d’allure, à l’époque comme aujourd’hui. Mais l’artiste ne pouvait se contenter de faire simplement partie d’un mouvement artistique, dominé par les hommes, préférant explorer une voie/voix plus féministe. La Feather Room (1966), créée avec Lloyd Hamrol et Eric Orr, ici reconstituée, œuvre importante dans la carrière de l’artiste, propose un univers féminin en opposition au masculin. Cette pièce, remplie de plumes agit en contrepoint des lignes dures, met en avant son caractère ludique ainsi que la notion d’environnement.

  Dans un cadre beaucoup plus majestueux, l’hommage aux femmes arrive avec The Dinner Party (1974-1979)  bien que nous n’ayons droit qu’à une photographie et non pas au monument réel, qui se trouve au Brooklyn Museum. Une table triangulaire d'environ quinze mètres de côté, avec un total de trente-neuf couverts, chacun commémorant une femme importante de l'Histoire. De nombreux autres objets symboliques s’y trouvent comme des serviettes, ustensiles de cuisine, verres, gobelets, un chemin de table brodé. Des papillons et des formes vulvaires apparaissent également. Cette « table » revêt un caractère cérémoniel et nous renvoie également du côté d’un mausolée revendicatif pour le futur. Le ludique des origines penche désormais du côté de la gravité. La réception en a été fort mouvementée et Judy Chicago va se trouver une fois de plus en butte à de nombreuses réflexions critiques souvent partisanes et négatives.

  Au fil des années, des œuvres plus sombres apparaissent comme The End : A Meditation on Death and Extinction  (2012-2018). L’artiste médite à la fois sur la mort et la destruction de la vie à l’échelle planétaire, mais aussi sur sa propre disparition. Ces œuvres se trouvent réalisées avec des images figuratives et des techniques plus traditionnelles comme la peinture sur verre noir et des reliefs humains et non-humains qui s’inscrivent dans la tradition des gisants. Le côté poignant de l’ensemble touche énormément ainsi que son appel à la résilience qui transparait ici.

Judy Chicago, Autobiography of a Year (1993-94), vue partielle, LUMA arles, 2024


  Judy Chicago a participé aux divers courants artistiques novateurs de son temps, seule ou avec d’autres. L’affirmation de sa singularité n’a pas été aisée, mais sa force de conviction a réussi à bousculer bien des réticences. Il semble évident que les recherches actionnistes du début et le côté beaucoup plus institutionnel des oeuvres actuelles nous questionne. Si le monde artistique la situe comme une référence incontournable, une partie de la jeune génération la critique à cause de ses liens avec le monde de la mode (cf. The Female Divine dont les bannières seules se trouvent exposées ici). Les réalisations artistiques n’échappent jamais aux polémiques, même si les attaques proviennent d’un autre bord.

                                                                                                                                                Christian Skimao

Aucun commentaire: