mardi 18 mars 2025

Exposition Francesca Caruana "Rétrovisions", Centre d'art contemporain, Perpignan, 2025

 

Exposition Francesca Caruana Rétrovisions

Centre d’art contemporain àcentmètresducentredumonde, Perpignan

Du 8 mars au 19 avril 2025

 

 

Francesca Caruana, série des Nymphes, vue partielle, ACMCM, Perpignan, 2025

 

                                                 

                              L’épissure et l’épicentre 

 

    La dénomination de  rétrospective marque toujours un temps d’angoisse pour chaque artiste en raison de la perception d’un temps possiblement clos. La notion de « Rétrovisions » change la donne puisque l’arrière se trouve toujours perçu, tandis que l’avenir reste à découvrir. Ainsi en va-t-il de cette grande exposition, dénommée avec malice et finesse, qui propose cent soixante pièces, du milieu des années 1970 à 2020.

 

  Francesca Caruana demeure singulière et plurielle, artiste polymorphe et intellectuelle brillante qui a également enseigné à l’université, lui apportant ainsi une double ouverture extrêmement productive. D’emblée, le temps et l’espace nous interrogent dans son parcours ainsi que les techniques utilisées, allant du dessin à la peinture, en passant par l’installation. Si des œuvres des années 1970 nous sont présentées comme Matière grise (1976), elles font référence à une construction surréalisante, tout en opérant une déconstruction du sujet oiseau. L’effilochement des plumes va conduire au thème central de l’épissure que l’on retrouve dans le dessin au crayon des séries Cordes, dont Corde (2011) tandis que ses Nymphes continuent dans cet optique, mais en privilégiant des pubis féminins. Elle impose ainsi une visibilité du caché dans le cadre d’une approche féministe.

 

  Les Diablitos des années 1990 annoncent la thématique de l’eau au travers de peintures ondoyantes aux couleurs vives. Si la référence initiale demeure l’aérienne circulation des motifs des robes du sud, elles nous portent vers un monde mouvant, horizontal et vertical, au risque de se perdre dans les méandres liquides. Elles pourraient annoncer les travaux récents sur le support papier-bulles qui mettent en branle des vagues marines ou suggérées. L’utilisation de radiographies dans l’espace pictural ouvre sur une nouvelle interaction. Ainsi des réalisations comme Courir, radiographie et pigments et Respirer, radiographie et fusain sur papier (2013), convoquent la présence d’une interaction entre l’envolée de tracés gestuels et l’apparition fantomatique de parties du corps. Une grande composition murale composée de radios avec des dessins très stylisés, constitue une suite avec des figures ressemblant à des graffitis pariétaux.

 

Francesca Caruana, série des Masques, et autres oeuvres, vue partielle, ACMCM, Perpignan, 2025


  Elle a travaillé avec les artistes Kanak de Nouvelle-Calédonie, où elle a réalisé une exposition au Centre Tjibaou de Nouméa. En France toujours àcentmètresdumonde, en 2015, son exposition RECTO/OTCER continuait cette exploration culturelle. La série des Masques, avec Masque ethnique (2016) présente de grandes toiles, d’une grande puissance, qui interrogent l’altérité, dans des compositions figuratives, servies par une relecture de l’histoire des arts. Plus proche de nous, la dimension tauromachique se décline avec des volumes comme Ennemi de luxe (2016), une sculpture en os, peinte en rouge, représentant une tête de taureau et qui pourrait se trouver mise en relation avec deux dessins stylisés, également de têtes de taureau, très élégants, Toros pequenos (2010).

  Impossible d’évoquer toutes les œuvres qui apportent des éclairages différents, les Bois dormants et les Bois migrants par exemple, où la peinture abstraite répond à son vis-à-vis en forme de véritable bâton peint. Sans oublier l’importance du concept de « peintures installées », développé par la créatrice où des objets posés au sol complémentent l’espace vertical du regard. Les fils dénoués se renouent mentalement au fur et à mesure de cette exploration du tracé, de la gestualité et de la spatialisation. Francesca Caruana possède le talent d’avancer sans cesse, narrant et peignant sa vision d’un monde ouvert et palpitant, en total désaccord avec cet esprit du temps qui prône la fermeture et le repli sur soi.

 

                                                                                                                                                        Christian Skimao

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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