lundi 21 avril 2025

Exposition Victoire Thierrée, Collection Lambert, Avignon, 2025

 

Exposition Victoire Thierrée, OKINAWA !!

Collection Lambert, Avignon

Du 19 avril au 15 juin 2025

 

 

Victoire Thierrée, OKINAWA!!, vue partielle, Avignon, 2025

 

 

                               Correspondances et connexions

 

 

  Le travail de Victoire Thierrée tourne autour de plusieurs thématiques et pratiques (photographies, création de verres, et narrations) qui se focalisent autour de l’île japonaise d’Okinawa. Le dispositif scénique mis en place à la Collection Lambert montre les multiples connexions existant entre le passé et le présent dans une vision personnelle et contemporaine. Il nécessite néanmoins un éclairage lié aux multiples références utilisées.

 

  L’artiste se rend à Okinawa a lieu en 2019 où se trouvent 32 bases américaines avec 10.000 soldats et réalise des prises de vue en noir et blanc. En 2023, elle va à Washington (USA) aux archives de la Smitsonian Institution qui conserve les résultats des recherches botaniques d’Egbert H. Walker (1899-1991). Ce dernier a effectué des prélèvements de plantes dans les zones touchées par la bataille d’Okinawa, pour mémoire l’une des plus terribles de la guerre du Pacifique. Victoire Thierrée a ensuite sélectionné 40 planches d’herbier et les a photographiées (ex. Artocarpus altilis #2, 2023). Au niveau des tirages, l’utilisation du procédé gélatino-argentique et non pas numérique, change une fois encore notre rapport au temps. Si la dimension esthétique apparaît de suite, sans doute en raison d’une élégance japonaise sous-jacente, elle ne doit pas masquer l’essentiel, le questionnement.

 

Victoire Thierrée, Artocarpus altilis #2, 2023, tirage gélatino-argentique © Victoire Thierrée  Adagp 2025

  Les sculptures en verre, réalisées au CIRVA (Centre de recherche sur le verre et les arts plastiques) et suspendues dans l’espace grâce à de fortes structures en acier, se rapportent aux pratiques artisanales des îles Ryūkyū. Ne disposant plus ni de leurs ateliers, ni des matières premières nécessaires, les habitants se sont emparés des canettes de bière et de Coca-Cola en verre des militaires, afin de satisfaire leur besoin de souvenirs à ramener aux Etats-Unis. La forme des yeux, comme exorbités, se réfère aussi à la jeunesse écolière de l’île, enrôlée de force, pour un sacrifice inéluctable, comme en témoigne le roman d’ Akira Yoshimura, Mourir pour la patrie (1967).

 

    L’Histoire et les histoires se mélangent. Les périodes traitées établissent des ponts inattendus, mettant en lumière le fil conducteur de cette narration créée par l’artiste.  La démarche initiale de Victoire Thierrée se situe à l’origine dans la découverte du travail du photographe Shōmei Tōmatsu (1930-2012). La notion de déplacement semble essentielle puisque photographies et « yeux » entretiennent des rapports de connivence. Deux vers du poème Correspondances du grand Charles Baudelaire offriront une conclusion provisoire à cette œuvre toujours en devenir : « Comme de longs échos qui de loin se confondent / Dans une ténébreuse et profonde unité ».

 

                                                                                                                                                     Christian Skimao

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