Expositions Deserto-Modelo de Lucas Arruda et
Ivens Machado
Dans
le cadre de la Saison du Brésil en France
Carré
d’art-Musée d’art contemporain, Nîmes
Du 30 Avril
au 5 octobre 2025
Avec un volet complémentaire
Exposition
Mirage de Marina Rheingantz
Musée
des Beaux-Arts, Nîmes
Du 30
Avril au 5 octobre 2025
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Lucas Arruda, Untitled (from the Deserto Modelo series), 2019. Vue partielle en 2025. |
Les œuvres de Lucas Arruda, né en 1983 à São
Paulo, occupent tout le second étage. De nombreuses peintures, de petits formats,
questionnent la notion de paysage grâce à un long travail de couches et de
reprises jusqu’à aboutir à un point de tension entre abstraction et figuration.
L’utilisation de formats horizontaux pour les marines et de formats verticaux
pour les jungles reprend, en apparence, des critères traditionnels. Son
exploration d’un monde lié à l’impressionnisme, au sens, non pas historique
mais sensitif (n’expose-t-il pas en ce moment même au musée d’Orsay à Paris, en
écho à des peintures de Claude Monet) dans le cadre d’une expérience
contemporaine, a souvent de quoi surprendre. Le titre Deserto-Modelo reprend
un vers du grand écrivain João Cabral de Melo Neto (1920-1999) comme titre de
l’ensemble de sa production en devenir. La notion de voyage et de quête se
situe à la fois dans l’œil du regardeur, mais aussi dans la pensée très
conceptuelle du créateur. Ainsi en va-t-il de l’installation Untitled (2019),
qualifié par l’artiste d’ « idéogramme de paysage » où un carré de
lumière se trouve projeté au-dessus d’un carré peint sur le mur. Après cette
recherche d’infini, l’étrange vidéo finale, Neutral Corner (2018) utilise
les images en noir et blanc, d’un réel combat de boxe entre Emile Griffith et
Benny Parret au Madison Square Garden de New York en 1962. Ce dernier mourra de
ses blessures dix jours plus tard. Le tragique, les corps, le sexe, enfin la
chute de Parret et les tracés des cordes du ring nous offrent une sorte d’épure
d’un réel, stylisé et connoté.
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Ivens Machado, Untitled, 1990. Bois et gravier.Vue d'exposition en 2025. |
Au
Project Room, premier étage du musée, se trouve une sélection d’œuvres d’un
artiste historique, Ivens Machado, né à Rio de Janeiro en 1942 et disparu en 2015.
La vidéo évoquée précédemment pourrait servir de lien formel avec celles de
Machado. Travaillant sur les corps noir et blanc, comme dans Versus
(1974), il met en avant la violence et le racisme sous-jacent dans le Brésil de
ces années-là. L’utilisation de bandages dans ses performances propose un corps
blessé et en voie de restauration. Enfin, d’intéressantes sculptures prennent
place, dont sa chaussure-pied-langue datée de 1990, qu’il reconfigure et change d’échelle. Là encore, ses volumes évoquent souvent des corps, certes stylisés
et souvent très éloignés d’une simple figuration. L’utilisation de matériaux
bruts et liés au monde industriel de la construction (fer, verre, béton,
débris, etc.) crée un effet poétique inattendu. Ne leur donnant pas toujours de
titres et optant pour une dénomination générique d’Untitled, excepté Painel
de Azulejos (1983), où l’organique rejoint le narratif, l’artiste a été influencé
par l’Arte Povera en Italie. Ainsi ses formes réalisées avec du béton renforcé
et des tessons de tuiles (2002) donnent une épaisseur liée à une dangerosité
visuelle, conjuguant avec talent, poétique et politique.
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Marina Rheingantz, Rabetao de Ouro, 2019. Vue d'exposition en 2025. |
L’exposition Mirage de Marina Rheingantz au Musée des Beaux-Arts nous offre une autre approche picturale. Née également en 1983, à Araraquara, elle travaille à São Paulo. Elle a exposé en France en 2021 au Frac Auvergne. Ses peintures se fondent temporairement dans la collection du musée. La plus imposante, au rez-de-chaussée, Rabetão de Ouro (2019) focalise toute l’attention sur elle avec ses couches plus ou moins opaques parsemées d’amas colorés de matière. Une sorte de mise en scène qui joue aussi avec des effets de tapisserie au niveau des motifs. Rien n’est véritablement abstrait et pourtant rien n’est figuratif non plus. Dans cet entre-deux de la peinture, l’esprit oscille constamment, pénétrant dans un univers onirique. À l’étage, une série de Duos, permet un dialogue entre hier et aujourd’hui, entre La Vierge et l’Enfant Jésus entourés de deux anges de Maestro Asiguo (15ème siècle) et Madona (2025) de Marina Rheingantz. Le déplacement opère à la fois temporellement, structurellement et spatialement, multipliant l’intérêt pour les deux peintures.
Christian Skimao
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