mercredi 12 novembre 2025

Expositions Vivian Suter et Felipe Romero Beltran, Carré d'art, Nîmes, 2025

 

Deux expositions

Vivian Suter avec Disco

Felipe Romero Beltrán avec Bravo

Carré d’art Musée d’art contemporain, Nîmes

Du 8 novembre 2025 au 29 mars 2026

 

 

Vivian Suter, peintures, vue partielle, Carré d'art, Nîmes, 2025

  Marcher dans la peinture/Traverser la photographie

 

 

  Deux artistes complémentaires, dont l’une s’efforce, grâce à la peinture, d’interroger les bordures, tandis que l’autre, au travers de la photographie et de la vidéo, tente de montrer la perméabilité des frontières.

 

  D’un côté, Vivian Suter, artiste internationale, née à Buenos Aires, exilée à 12 ans, avec sa famille, à Bâle, vit et travaille depuis les années 1980 à Panajachel au Guatemala. Ses toiles, sans titre, sans date et sans châssis, envahissent l’espace, proposant une approche environnementale de la peinture. En effet, l’effet pictural se conjugue avec la mise en espace qui varie pour chaque lieu. Exposée précédemment au Palais de Tokyo, à Paris, la monstration de Nîmes épouse un lieu différent. Près de 400 toiles créent un effet d’envahissement où chaque œuvre cohabite avec l’autre en une sorte de métamorphose permanente. Le plus souvent abstraites, avec des apparitions fugitives de motifs, de textes,l’artiste convoque quelques grands courants comme l’expressionnisme abstrait, ainsi que des emprunts aux pratiques artistiques magiques. On reconnaîtra dans certaines œuvres, où se trouvent de la terre, des débris et autres restes du réel, un clin d’œil aux mégots insérés dans les réalisations de Jackson Pollock. Des formes archétypales apparaissent tandis que d’autres s’estompent en une sarabande effrénée : des ronds et des carrés se métissent avec des triangles et des taches. Un style particulier n’existe pas vraiment, mais plutôt une explosion gestuelle répondant à un appel des profondeurs. Cette approche, met l’inconscient à contribution, dans une approche plutôt jungienne. Parfois, un semblant d’ordre apparaît avec des toiles accrochées sur des étendoirs de grande taille et difficilement visibles dans leur ensemble, clin d’œil à l’impression textile paternelle et mise à distance pour celui/celle qui les regarde. Le titre, Disco, pourrait à première vue, se référer à la danse des seventies ; en réalité, le nom d’un des chiens de Suter qui gambade partout et bien sûr sur ses toiles, acteur involontaire d’une scénographie où la nature imprègne la culture. Dans une pièce à part, des collages très intéressants d’Elisabeth Wild (1922-2020), mère de Vivian, qui a beaucoup produit à partir de ses 70 ans et jusqu’à sa disparition.

 

Felipe Romero Beltran, photos, vue partielle, Carré d'art, Nîmes, 2025.

  De l’autre côté, Felipe Romero Beltrán, jeune plasticien né à Bogota, en Colombie, qui a étudié à Madrid et se trouve actuellement à Paris. S’inscrivant dans le courant de la photo documentaire, au sens générique, son travail consiste à montrer la face cachée des évidences par le biais d’une approche contemporaine. Tournant autour du grand fleuve Rio Bravo (d’où le nom de la monstration) qui se nomme également Rio Grande. Frontière « naturelle », entre le Mexique et les États-Unis, ce dernier devient un personnage dans ce récit convoquant les habitants des deux rives, ainsi que les nombreux migrants venant de toute l’Amérique du Sud dans l’espoir d’une vie meilleure aux USA. A partir de cette forte contextualisation politique, Beltrán a divisé son approche en trois parties Endings, Bodies et Breaches (Fermetures, Corps, Lacunes) qui remettent en cause la classification et l’identification. Ses photographies très construites, montrent des choses anodines en apparence, comme des intérieurs avec matelas, table, chaises, sound system, etc. qui acquièrent un statut symbolique. Il en va de même avec des portraits qui contiennent une part tragique d’une histoire, personnelle, sociale et politique, à la fois omniprésente et dissimulée. L’altérité ne se trouve donc pas mise en avant, remplacée par la solidarité. La réalisation audiovisuelle, sise au centre de l’exposition, se nomme El cruce (Le passage). L’artiste change le statut du fleuve, non plus vu comme une frontière, mais comme un lieu, plus anodin, où se déroulent de nombreux actes de vie : des baptêmes évangéliques dans l’eau, une compétition de pêche entre les riverains des deux pays, le témoignage d’un nageur, enfin celui d’un récupérateur qui ramasse les vêtements abandonnés des migrants pour les revendre au Mexique. Le rendu du passage d’un monde à l’autre, demeure l’équation artistique d’une œuvre, à jamais suspendue.

 

                                                                                                                                                      Christian Skimao

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